-
GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 73
Le rat débile et le rat méchant
1996. Avec la succès de la série « Chair de poule », la peur est à la mode, dans l’édition jeunesse. Or, je me suis, depuis de nombreuses années, spécialisée dans ce genre un peu particulier. Si bien qu’à l’occasion du salon de Montreuil, le journal télévisé me demande une interview.
— Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous viendrons vous filmer chez vous, dans le décor de votre travail, précise la journaliste, au téléphone.
Nous prenons rendez-vous pour la semaine suivante, je fais le grand ménage, enfile ma plus belle salopette, et à l’heure dite, guette avec impatience « les gens de la télé ». C’est que je n’ai pas l’habitude d’être à l’honneur, moi ! Outre que, pour les médias, la littérature destinée aux enfants n’offre aucun intérêt, je suis allergique aux mondanités. Pour me sortir de mon trou, faut y aller aux forceps. J’apprécie d’autant plus la démarche de TF1.
L’équipe arrive, s’installe dans mon bureau ; projecteurs, cameras...
— Oh ! Qu’est-ce que c’est que ça ? s’écrie un technicien, en désignant mon Mac du doigt.
« Ça », c’est Zébulon, le rat de Mélanie, qui a pour habitude de crapahuter sur le clavier de l’ordinateur. Un rat gris, je précise. Style rat d’égoût.
De l’avis général, avoir un rat comme animal familier, pour un écrivain d’horreur, c’est la classe. Du coup, le cameraman s’en donne à cœur joie. Zébulon est filmé sous toutes les coutures. On le pose dans la bibiliothèque, sur l’un de mes livres ouvert, au milieu de mes manuscrits, que sais-je encore ? Comme il n’est pas farouche, il se laisse faire sans protester pendant que je réponds aux questions de la journaliste.
Le surlendemain, la séquence passe aux infos de vingt heures. Elle dure trois-quatre minutes, et montre Zébulon. Uniquement Zébulon. Se baguenaudant ici et là sur ma voix off.
Ce fut son heure de gloire.
Pas la mienne, hélas.
Mais ce n’est pas tout. Le concierge regardait l’émission. La présence d’un rat dans l’immeuble dont il avait la charge le scandalisa. Il s’en ouvrit aux voisins qui firent chorus, et désormais, interdit à sa femme d’entretenir notre palier « de peur de se faire mordre ». J’eus beau lui expliquer que Zébulon était apprivoisé, très propre, et ne transportait aucune maladie, ce triste sire ne voulut rien entendre. Il nous menaça même, en cas de récidive (?), d’appeler une entreprise de dératisation.
Je me suis souvent demandé qui était le plus rat des deux.
-
Commentaires
1benoît barvinMercredi 29 Février 2012 à 07:44Répondre
C'était le voisin asiatique, le mari de Marisa ?
Et les concierges n'aiment pas les rats, c'est bien connu : elles en sont restées au joueur de flute de Hameln et à l'épidémie de peste de 1348.5guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:49
@ Mélaka : en réalité, c'était la concierge de la rue de la Madone, mais vu le titre, je l'ai mise au masculin. Parce que "rate", ça n'aurait pas marché.
Désolée de dévoiler mes licences poétiques, mais je ne peux pas laisser soupçonner le petit Chinois de Marisa, il était vraiment trop gentil !6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:49
@ Cécile : c'est une bonne leçon d'humilité, remarque...
Ajouter un commentaire