• grands moments de solitude 67 (tome 2)

     

                                                          Les canons de ma daronne

     

             Où ai-je lu cette phrase : « la jeune fille avait des jambes de gazelle ; aussi fines et aussi velues » ? Je ne m’en souviens plus, mais elle a ranimé dans ma mémoire une petite histoire depuis longtemps oubliée.

             Enfant, j’avais fait ce troublant constat : les jolies filles avaient toujours du poil aux pattes. L’épilation n’étant pas encore de mise, dans les provinces rurales de la Belgique profonde, les « fiancées » de mes grands cousins arboraient toutes — je dis bien toutes ! — une abondante pilosité sur les mollets et les chevilles. Cela, bien entendu, n’avait pas échappé à ma sagacité, de sorte que j’établis très vite un parallèle entre séduction et système pileux. Or, bien qu’ayant à peine atteint l’âge de raison, la séduction, c’était mon truc. Avec une frénésie nourrie de contes de fées et de chansons sentimentales, je m’identifiais à ces créatures dont ma mère affirmait qu’elles avaient, « le diable au corps ». De là à scruter mes cannes maigrichonnes, pour y déceler le moindre duvet, il n’y avait qu’un pas. Je le franchis allègrement, et pire : j’en franchis un deuxième : comment le développer, ce duvet si sexy ?

             Mes copines, consultées, avouèrent leur ignorance.

             — Il faut beaucoup se laver, suggéraient les unes. L’eau, fait pousser les plantes, et pourquoi pas les poils ?

             — Au contraire, affirmaient les autres : la saleté est un engrais. C’est pour cela qu’on met de la bouse de vache sur les poireaux.

           Bref, je n’étais guère plus avancée. Jusqu’à ce que Josiane, sous le sceau du secret, me confie que sa grande sœur se rasait chaque matin.

             Cette révélation bouleversa mes valeurs, car pour moi, Alvina (la grande sœur en question), incarnait pile-poil l’idéal féminin. Ni une ni deux, mes certitudes se firent la malle et je ne jurai plus que par la peau glabre.

             Ainsi, même à neuf ans, se débarrasse-t-on de ses préjugés.

     

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Jeudi 30 Juillet 2015 à 10:03
    Des certitudes au poil !
    2
    Jeudi 30 Juillet 2015 à 13:13

    A noter le très fin détournement de titre de film dont notre Gudule était coutumière.

    3
    Samedi 1er Août 2015 à 13:52

    Hey, incarner "pile-poil" l'idéal féminin de Gudule, c'est tellement logique pour un tel sujet !


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