• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 66

    Le têtard

      Octobre 1977. Grand moment pour Alex : Cavanna le convoque aux éditions du Square pour lui confier une rubrique régulière dans Charlie Hebdo. Je l’accompagne, en tant que scénariste d’une partie de ses BD. Je devrais d’ailleurs dire « nous l’accompagnons », puisque je suis enceinte de sept mois.

             Accueil triomphal. Wolinski, que nous avons croisé dans la rue, nous prend tous deux par les épaules et claironne, en entrant dans la salle de réunion : « Voici Alex et sa femme Gudule qui attend un bébé ! ». Choron s’agenouille devant moi et me verse du champagne sur le bide en déclarant : « Ton enfant sera le plus beau, car il a été béni par le professeur Choron ! ». Dominique Grange m’amène un fauteuil et me couve des yeux toute la soirée. Bref, je me sens comme une reine dans cette équipe qui a pourtant la réputation d’avoir « la dent dure ». Du coup, selon mon habitude, je me fais des films. Je m’imagine présentant, avec un fierté bien légitime, le fruit de mes entrailles à toutes ces personnalités mythiques. Sûr, ce sera une apothéose de compliments émus, un festival de gouzi-gouzi !

             Mi-janvier, je me pointe donc rue des Trois-portes avec ma petite fille de deux semaines, emmemitouflée dans son nid d’ange. Et là — à part Wolinski, toujours adorablement empressé — personne ne la regarde. Mais ce qui s’appelle personne, hein ! J’amènerais une bouse dans du papier journal, ce serait pareil.

             Comme si elle captait ma déception, Mélanie se met à pleurer. Alors, une rédactrice (dont je préfère taire le nom) lance très haut, à ses collègues :

             — Oh, je déteste ces têtards !

             J’ai fichu le camp vite fait bien fait !


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 22 Février 2012 à 08:16
    Benoît Barvin
    Elle a évité le "ces bâtards" qui glace... de quoi toi te plaindre, hein?
    2
    Mercredi 22 Février 2012 à 19:32
    Castor tillon
    Bigre. Accueil mitigé. Je me rappelle être allé dans un resto italien avec ma fille dans un couffin, les femmes du lieu me l'ont littéralement kidnappée et câlinée jusqu'à ce que je reparte.
    Une femme qui n'aime pas les têtards, c'est rare quand même. Tu joues vraiment de malchance !
    3
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    Oh ben non, quand même ! Elle était pas vulgaire, la dame. Juste méprisante... Mais c'est jamais marrant quand le père Noël vous tire la langue, au lieu de vous apporter les cadeaux attendus !
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    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    La dame en question ne pouvait pas avoir d'enfant, je crois. Et s'était blindée à sa manière. C'est de bonne guerre, dirons-nous. Avec le recul.
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