• grands moments de solitude 65 (tome 2)

                                            Gothic

     

    L’histoire se passe à Bruxelles ; à Ixelles, plus exactement. C’est une vraie histoire belge. En 1986, le mythique cinéma « Le Roy » de la Porte de Namur, existe toujours (Il sera démoli quelques années plus tard). Et qu’y joue-t-on ?

             — Wahou ! Gothic, de Ken Russel. Justement, je meurs d’envie de le voir !

    Envie partagée par Sylvain, d’autant que nous n’avons rien de prévu pour la soirée, et que la dernière séance commence dans dix minutes.

    Le Roy se compose de plusieurs salles. Celle de Gothic est vide, à cette heure avancée. Nous nous  installons aux meilleures places et  le film commence. Il est époustouflant et morbide à souhait. Soudain, en pleine action, l’écran devient tout noir. Vu le thème abordé (la nuit de cauchemars hallucinés qui réunit Lord Byron, John Milton et Mary Shelley, et dont naquirent  d’impérissables chefs d’œuvres, Frankenstein en particulier), la chose ne nous étonne guère — enfin, dans un premier temps. Mais au bout de dix minutes, on commence à se poser des questions. Ce stand by obscur fait-il partie du scénario ?

             — Non, estime Sylvain. Le film doit être cassé. Bouge pas, je vais prévenir le projectionniste.

    Il se dirige à grands pas vers la cabine et, un peu plus tard, le film redémarre. Mais pas à l’endroit de la coupure, non ; au début. Nous voilà bons pour une seconde tournée.

             Il est minuit passé quand les lumières se rallument automatiquement. La tête encore pleine de l’effarant délire des écrivains sous  mescaline, nous gagnons la sortie. Surprise ! les portes sont fermées et  le rideau de fer baissé

             Ni une ni deux, Sylvain fait demi-tour et retourne à la cabine de projection. Personne. Dans la seconde cabine non plus. Nous voilà errant de couloirs vides en  salles désertes, à la recherche d’un responsable.

             Peine perdue : il n’y a plus âme qui vive dans le cinéma.

             — Le projectionniste a dû nous oublier, suppose Sylvain. Quand les autres films se sont terminés, il sera rentré chez lui. Mais comme le nôtre a duré plus longtemps que prévu…

             — On ne va quand même pas passer la nuit ici  ?

    Il semblerait que si. Nous avons beau appeler et frapper à la vitre blindée pour tenter d’alerter les rares noctambules, rien n’y fait. Nous sommes bel bien prisonniers. Il ne nous reste plus qu’à trouver un coin où dormir.

    C’est la femme de ménage qui nous délivrera, à six heures du matin. Pas contente du tout.

             -— Qu’est-ce que vous foutez là ? vitupère-t-elle dans un sabir mi-brusselèère*, mi-zaïrois. Vous ne vouliez pas payer votre place, hein ? C’est pas beau de resquiller !

             On n’a pas eu le courage de la détromper. Trop fatigués pour ça.

                                                                 * Bruxellois (en bruxellois)

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  • Commentaires

    1
    Samedi 16 Août 2014 à 03:18
    Castor tillon
    En tous cas, c'est moins cher qu'à l'hôtel. Je retiens la combine.
    2
    Samedi 16 Août 2014 à 09:08
    Gudule
    oui mais question confort, ça laisse à désirer
    3
    Mercredi 20 Août 2014 à 13:38
    Pata
    Ouah, délire !!!

    Je crois que j'aurai bien aimé moi, être enfermée avec mon amoureux dans le cocon d'un ciné !
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