• grands moments de solitude 59 (tome 2)

      

                                                      Monnaie de singe

     

               En ce temps-là, les parcs d’attractions étaient rares. Et comme il fallait bien distraire les enfants, nous les emmenions souvent au zoo d’Ermenonville, à une dizaine de kilomètres de chez nous. Fallait-il que nous les aimions, nos mômes, pour nous farcir une telle corvée ! Car Alex et moi détestions les zoos dont l’ambiance carcérale nous sapait le moral.

               Ce dimanche-là, tandis que Frédéric et son père traînent du côté de la fauverie, Olivier, six ans, me tire par la manche :

                — Viens, on va voir les singes !

    Des singes ? Pourquoi pas ? Eux au moins n’engendrent pas la mélancolie. D’ailleurs, on entend rire les visiteurs devant leurs grimaces, leurs cabrioles et (surtout !) leurs obscénités.

               Chose curieuse, cette foule hilare massée autour des cages, boude obstinément l’une d’entre elles, qu’occupe un chimpanzé aux mimiques pourtant rigolotes.

               — Chouette ! s’écrie Olivier, en se précipitant vers l’espace vide. Regarde, maman, ici, y a personne !

               Je le suis… et mal m’en prend, car une pluie de crachats nous accueille. Agrippé aux barreaux de sa prison, l’animal trépigne de plaisir en mollardant avec entrain tous ceux qui passent à sa portée, et ce, pour la plus grande joie des spectateurs.

               Pas la mienne, hélas, car les jets de salive gluants qui dégoulinent de mes cheveux me font frémir de dégoût.

               Les visiteurs, en revanche s’esclaffent à gorge déployée.

               Mon mari, qui a assisté de loin à la scène, les fusille des yeux :

               — Personne ne t’a mise en garde quand tu t’es approchée ? s’indigne-t-il. Quelle bande de nazes ! Je m’en vais leur dire ma façon de penser, moi, à ces sagouins !

               Le sentant hors de lui, j’essaie de calmer le jeu.

             — Arrête, Alex ! Laisse-les se marrer si ça leur chante. On s’est assez donnés en spectacle pour aujourd’hui.               

               Trop tard. Comme il fonce vers l’attroupement — au risque de se couvrir de ridicule —, un glaviot fend l’espace, qui le manque de peu mais atteint un rieur de plein fouet.

               Chacun son tour ; niqué !

     

     

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Mercredi 22 Juillet 2015 à 11:06
    Mouahahaha! Pour la chute hein, pour la chute ;)
    2
    Mercredi 22 Juillet 2015 à 17:19

    Mesdames et messieurs, la visite du zoo se termine par l'enclos des lamas. Veuillez rester derrière l'hygiaphone.

    3
    Mercredi 22 Juillet 2015 à 17:22

    Une solitude baveuse qui se termine par un bon gros jeu de mots. Rien ne nous sera épargné.

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    4
    Samedi 1er Août 2015 à 14:09

    Oui, le tourniquet final est pas mal du tout : on va pas cracher dessus hein !!

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