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grands moments de solitude 56 (tome 2)
Mon cancer s’appelle Guillaume
Le jour où un médecin me parla de mon « gliome » , je compris « Guillaume » et lui fis répéter. La tumeur qui croissait dans ma tête avait donc un nom… Du coup, je pris l’habitude de lui parler, non comme à un parasite anonyme, mais à un être issu de ma chair — voire de mon imagination — qui se nourrissait de ma substance au même titre qu’un fœtus ou un ver solitaire. Parfois, je le menaçais mentalement : « Tiens-toi tranquille, Guillaume, sinon je te coupe les vivres ! » Ou je tentais de l’amadouer : « Allez, sois sympa, reste dans ton coin et fais-toi oublier ! »
J’avais, bien entendu, vu Le Bruit des glaçons de Bertrand Blier, ce pur chef d’œuvre d’humour noir, où Albert Dupontel sonne à la porte de Jean Dujardin pour lui annoncer avec un grand sourire : « Bonjour, je suis votre cancer ! À partir de maintenant, je ne vous quitte plus. » Cette approche décalée m’avait enthousiasmée, bien avant que je ne me sente moi-même concernée.
Par la suite, je revis le film à plusieurs reprises, et toujours avec autant de plaisir, jusqu’au jour où, en plein après-midi, mon téléphone sonna…
— Allo, c’est Guillaume, fit une voix primesautière que, dans un premier temps, je n’identifiai pas.
Le souffle coupé par la surprise, je bredouillai :
— Qui… qui ça ?
Il s’agissait, en fait, d’un vieux copain perdu de vue depuis des années, qui avait retrouvé ma trace par Internet.
— Non mais ça va pas, de me faire des peurs pareilles ? soufflai-je, hors de moi.
Ma réaction le désarçonna.
Mais bon, c’était sa faute, aussi. Il n’aurait pas pu s’appeler Philippe ou Jean-Pierre, comme tout le monde ?
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Commentaires
1Annie GHJeudi 7 Août 2014 à 01:11Répondre
J'ai déjà du le lire dans un de tes précédents texte, ce qui explique cette résonance familière...
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