• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 56

    Une poule sur un mur

      En 1997, Jean Rollin tourne « Les orphelines vampires » où il m’offre le rôle de la mère supérieure de l’orphelinat. L’aventure me tente, bien sûr ! D’une part, je suis flattée qu’il ait pensé à moi, et d’autre part, l’idée de me déguiser en nonne titille ma fibre iconoclaste. En revanche, je ne sais pas jouer — mais pas du tout, du tout !

             — Et alors ? répond-il en riant. Ce n’est pas ça que j’attends de mes acteurs.

             — Qu’attends-tu, alors ?

             — Qu’ils correspondent à ce que j’ai dans la tête, et c’est le cas.

             Bref, bon gré mal gré, je me retrouve sur le plateau, en voile et robe de bure.

             C’est une expérience toute nouvelle, pour moi. En-dehors de quelques brèves figurations alimentaires, je n’ai jamais participté à un tournage. Alors, j’écoute, je regarde, je m’imprègne de l’ambiance ; je parcours le décor de long en large et observe attentivement l’équipe technique. Pour quelqu’un qui adore le cinéma, le vivre de l’intérieur, quel privilège !

             Les premières scènes auxquelles je participe se déroulent plutôt bien, même si j’ai le sentiment de réciter mon texte comme une élève de sixième. Jean assure : « Tu es parfaite ». Et vient la fameuse séquence de la poule.

             C’est l’un des moments-clés du film. Sur le sol de la buanderie gisent deux adolescentes (dont ma fille Mélanie),vidées de leur sang par les vampirettes. Ces dernières, repues, barbouillées de bave rouge, dorment à leurs côtés, un sourire angélique aux lèvres. J’ouvre la porte, vois le spectacle, pousse un grand cri et tombe à la renverse dans les bras de sœur Marthe. Or, s’il est une chose difficile, pour un comédien — ou qui, en tout cas, requiert du métier —, c’est bien de crier. Libérer de soi ce jaillissement sonore sans être ridicule est une performance de vrai pro. Je le dis à Jean qui me rassure aussitôt :

             — Tu fais comme tu sens, on corrigera au montage. Au pire, je remplacerai l’image par un gros plan sur les gamines, avec un cri off.

             Bon, si c’est comme ça, ça va. On tourne la scène, j‘émets une sorte de caquettement de poule qui pond, Jean dit : « Très bien, on la refait », et je réitère ma performance une demi-douzaine de fois avant de passer à la séquence suivante.

             Quelques mois plus tard, c’est la générale. Heureusement qu’il fait noir dans la salle : mes première apparitions me remplissent de confusion. Dieux, que je suis mauvaise ! Je rentrerais bien sous terre...

             Mais que dire, alors, de la fameuse scène ? Jean Rollin l’a gardée dans son intégralité, y compris le cri de poule. C’est proprement insoutenable.

      En sortant de la salle, je rasais les murs, planquée derrière le col de mon manteau. Heureusement, personne ne m’a reconnue, et Jean était trop occupé avec la presse pour me remarquer. Encore une chance que le film, comme tous les films de Rollin, n’ait eu qu’une audience limitée. Je n’aurais pas survécu à une honte nationale !

     images 0005

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 12 Février 2012 à 08:40
    benoît barvin
    J'ai reçu Jean Rollin, à Montpellier, dans un cinéma d'Art et d'Essais pour le premier - et dernier - Festival Fantastique créé dans cette salle... Années 80, je crois. Grand Monsieur, ce Jean, qui, à peine descendu du train, me demandait où on pouvait trouver des bouquinistes... C'est le seul "cinéaste" qui m'ait jamais fait une telle demande. Par contre, concernant ses "films"... J'avais lu dans "Vampirella " et autres magazines, des articles dithyrambiques sur le cinéma de Jean Rollin. Sur la foi de ces articles, j'avais fait des pieds et des mains pour qu'il soit le grand invité du festival. Bon... Il y avait, dans la salle, pour chaque projection, une bonne... heu... dizaine de curieux. Pour la première, ils étaient au moins 20. Lors de la sempiternelle discussion à la fin, il n'en restait que la moitié. Puis, au fur et à mesure des questions - que je posais, maladroitement -, la salle se vidait. Mais Jean Rollin, imperturbable, me répondait avec humour et comme un grand lettré qu'il était. Par contre, ses films... J'étudiais à l'époque le cinéma et celui qu'il faisait correspondait, point par point, à ce qu'il est "conseillé" de faire pour rater son long métrage: acteurs non professionnels (donc, pas d'inquiétude, Gudule, comme tu vois); scénario tenant sur un ticket de métro usagé; montage à la va-comme-je-te-pousse; éclairage littéralement exécuté, etc. Du cinéma expérimental, donc, avec, en prime, des filles - jeunes - déshabillées. Le seul réel intérêt de ces longs qui, lors de la projection, l'étaient, indubitablement. Je me suis même surpris à "ronfloter" entre deux jolies vampires, c'est dire... Un sacré souvenir, comme tu vois...
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    2
    Dimanche 12 Février 2012 à 10:42
    melaka
    Je te rassure ma Gudule, ma performance dans le film me couvre également de honte, et est source de nombreux quolibets de la part de certains de mes amis qui m'ont découverte sur la bobine avant de connaître en vrai la mienne, de bobine !...
    3
    Dimanche 12 Février 2012 à 13:44
    Amanda Hinault
    Jolie anecdote a rajouter sur la page wikipedia du film ! (http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Deux_Orphelines_vampires)


    Non ? ;)


    Je me demande si ce film peut encore se trouver quelque part, j'adorerais voir ton "cri de poule" en vrai ...
    4
    Dimanche 12 Février 2012 à 21:32
    Castor tillon
    Pardon, j'arrive à l'instant !
    Je l'ai vu pour la dernière fois il y a 5 ou 6 ans, et je n'ai pas souvenir d'un caquètement ridicule. Rien qui dépasse du contexte, en tout cas. Tu étais probablement trop habillée pour que je le remarque (pardon, Gudule, c'est honteux ce que je dis !).
    L'opinion de Dionnet est vraiment parfaite : il n'encense pas bêtement, il dit ce qui est. Pour ma part, j'ai vu également ses premiers films, et là, ça avait du mal à passer quand dans la toute dernière scène, le héros arrivait, hagard et meurtri, pour arracher la belle aux inconvénients. Manquait plus que le blanc destrier ! Mais j'ai vraiment aimé les autres qui, déjà, étaient visuellement plus réussis, et aussi plus oniriques.
    5
    Dimanche 12 Février 2012 à 21:52
    Castor tillon
    Jolie, l'image ! ça en dit long sur l'ambiance des inter-scènes. Et contrairement à Benoît, même si j'ai pu avoir quelques moments de somnolence parce que j'étais fatigué, je suis sûr que je n'ai pas ronflé !
    J'ai encore ce film en cassette VHS, mais plus rien pour le regarder, argh.
    6
    Mercredi 11 Avril 2012 à 15:36
    Castor tillon
    Souvenirs, souvenirs... Je ne peux pas te mettre le son, quel dommage !

    http://nsm05.casimages.com/img/2012/04/11//1204110332501432899704514.jpg
    7
    Mercredi 11 Avril 2012 à 18:37
    Castor tillon
    Ma Gudule, je proteste : tu n'es pas une vieillerie. Et si ça peut te mettre du baume au coeur, contrairement à ce que tu dis, ton jeu d'actrice n'est pas mauvais du tout. Faudrait juste étudier mieux que ça le cri de la poule, hi hi.
    8
    Mercredi 11 Avril 2012 à 20:13
    Castor tillon
    Ouaaaaaais !
    9
    Jeudi 26 Avril 2012 à 04:50
    Castor tillon
    Pour ne pas que tu te sentes seule dans ta solitude 56, je t'ai trouvé un cri de canard pour faire écho à ton cri de poule :
    http://www.youtube.com/watch?v=N2aHi8NUNBo
    10
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    J'adore ton commentaire, Benoît ! Et il correspond point par point à tout ce que nous pensons de Jean... pour autant qu'une œuvre, et ce qu'elle nous fait éprouver, soit rationnel, bien entendu. Je trouve que JP Dionnet exprime fort bien cela (le lien se trouve dans les commentaires de ma solitude d'hier, à l'intention de Castor Tillon). Ses films étaient à la fois si personnels, si improbables, si "autres" (défauts compris) que tout en les critiquant, on tombait sous le charme. Sentiment aussi paradoxal, subjectif et inexplicable que leur auteur lui-même...
    11
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    @ Méla : et pourtant, je viens de revoir le film, tu es absolument ravissante, dans ta chemise de nuit avec tes longues nattes !
    @ Amanda : on doit pouvoir le trouver en téléchargement gratuit, quelques part... Ou alors, des extraits. Je vais aller fouiller le net.
    12
    Zakaria
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    Zakaria
    Autrefois ,à paris vivait un petit enfant s appelait Jack avec ses parents.ils vivaient tranquillement jusqu’ au jour du carnaval.
    Jack méta un masque d une grenouille et sort. Il commença de jouer avec ses amis le jeu d’accumuler les bonbons de la part des gens. Quant le jeu est commencé, Jack se dirigea vers la première porte et là frappa. Mais personne n ouvre la porte. Soudain il voyait une drôle maison située dans la foret. Celui-ci se dirigea vers cette maison, mais avant qu’il frappait la porte il a vu une drôle e citrouille si dirige vers lui. Jack est paniqué et s’échappa mais la citrouille était plus rapide que l’enfant et apparait devant lui, Jack tomba par terre en croyant que c’est ça dernière heure dans la vie mais la citrouille était très gentille et lui offre beaucoup de bonbons. Jack la remercia et lui promit de revenir.

    (je suis zakaria,du Maroc agé de 11ans et je suis de la part de Monsieur Azakhor le professeur du Français a Asni )
    13
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    Odomar
    @ Melaka : Coucou Melaka ! ça va ?

    @ Gudule : J'ai vu le film mais je ne me souviens pas nettement du "cri de la poule", je vais tâcher d'y retourner d'ici ce soir.

    (A suivre)
    14
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    Merci pour ta jolie petite histoire, Zakaria. Et salue pour moi ton professeur.
    15
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    YOUHOU, LES COPAINS, J'AI RAJOUTÉ UNE IMAGE !
    16
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    Nous allons donc passer la soirée ensemble, cher Odomar...
    17
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    Ah ah ah ah ! T'as été dégotter cette vieillerie ! Morte de rire... Au fait, c'est un hommage à Natalie — sœur Marthe — décédée la semaine dernière...
    18
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    Tiens, je l'ai mise sur mon blog, à la date d'aujourd'hui. Autant qu'elle fasse rigoler tout le monde, hein !
    19
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:49
    gudule
    Et vous en êtes un autre !
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