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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 54
La censure et moi, c’est une vieille histoire...
En 1989, Claude G., mon éditeur chez Syros, passe à la concurrence — c'est-à-dire qu'il devient directeur de Page Blanche, chez Gallimard. Belle promotion pour lui... et pour moi, puisqu'il me commande un roman. Page Blanche est une collection prestigieuse, destinée aux ados et traitant, généralement, de graves sujets de société. Tout à fait mon trip de l'époque !
— Quel thème as-tu envie d'aborder ? me demande-t-il.
— La maladie mentale.
Il applaudit et me donne le feu vert. Un mois plus tard, je lui présente « À la folie ». L'histoire s’inspire d’un fait réel. En gros : une lycéenne tombe amoureuse d’un prof qu’elle drague ouvertement. Un jour, il disparaît de la circulation. Elle apprend qu'il est à l'HP et se persuade que c'est son ex-femme qui l'a fait intermer pour le soustraire à ses avances. Elle décide donc de le « libérer », mène son projet à bien, et se retrouve dans la nature avec un malade en pleine crise. Incapable d’assumer cette confrontation, qui bientîôt tourne au drame, elle n’a d’autre recours que d’appeller ses parents à l’aide.
En une semaine, le roman est lu et accepté. Puis, après les corrections d’usage, Claude m'envoie mon contrat et me fait rencontrer les représentants. Il les branche même avec l’attachée de presse de Denoël, où je dois sortir sous peu « Amazonie-sur-Seine », afin qu’ils déterminent une stratégie commune de promotion.
— Tu recevras tes épreuves d'ici une petite semaine, m'annonce-t-il. Ainsi que le projet de couverture sur lequel travaille actuellement l’illustrateur.
Une semaine passe ; je ne vois rien venir. Une deuxième semaine ; toujours rien. Au bout de la troisième, j'appelle pour avoir des nouvelles, et Claude, très embarrassé, m’explique :
— Suite à la plainte d'une correctrice qui trouvait ton texte trop osé, le grand patron a tout arrêté. Je suis désolé pour toi. Tu viens rechercher ton manuscrit ou je te le renvoie ?
Ça m’a flanqué un coup, mais le pire était encore à venir. Je ne me doutais pas que ce roman, j’allais mettre dix ans à publier. Ni surtout que de telles mésaventures jalonneraient ma carrière. On n’aborde pas impunément certains sujets...
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Commentaires
@ Mélanie : elle est vraiment chouette, ta BD. C'est vrai que les premières images paraissent peu assurées, mais l'impression disparaît rapidement, et on se laisse emporter. Passionnant. Comme les romans de Gudule. Y a des correctrices chieuses aussi, dans la BD ?4guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:495guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:49
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(j'ai beaucoup progressé en dessin depuis..)