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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 52
Gargouille
En 1994, Jean Rollin lance la collection Frayeur, au Fleuve noir. Une collection rouge pour vos nuits blanches, selon le slogan en vigueur. Dans la première fournée, il y a mon « Asylum », puis dans la seconde, « Gargouille ». Voyant que je meurs d’envie de m’investir à fond dans l’aventure, Jean commence à se reposer sur moi pour la lecture des manuscrits, les corrections ou la rédaction des quatrièmes de couv. Si bien qu’un beau jour, la direction me convoque.
— Devant le succès de Frayeur, nous envisageons de lancer le label « Frayeur plus », m’annonce-t-on. Ce sera toujours des créations, mais pas du poche, du grand format. Et nous avons pensé à vous comme directrice de collection.
Je n’ose en croire mes oreilles. Moi, éditrice ? Moi qui rame comme une folle pour publier mes livres ? Quelle promotion éblouissante !
J’accepte avec reconnaissance, Jean est ravi de m’avoir comme collègue officielle, bref, tout baigne.
Enfin, non, pas tout. Un éditrice vétérante, que Jean surnomme « Gargouille » tant à cause de son physique que de son caractère, prend ombrage de la chose. Du fait de son ancienneté, elle estime que c’est à elle que revient cette collection, non à une obscure débutante. Et elle le fait savoir avec perte et fracas, si bien que deux jours plus tard, quand je me pointe au bureau :
— Y a Gargouille qui te cherche pour t’arracher les yeux, m’annonce Jean, hilare.
Moi, ça ne m’amuse pas du tout, du tout. Car non seulement je suis d’un caractère pacifique — voire timide —, mais l’agressivité me terrifie. A l’idée de croiser la virago, de l’affronter, d’entrer en conflit avec elle, je suis littéralement épouvantée. De sorte que, ni une ni deux, je fonce dans le bureau de la direction pour donner ma démission avant même d’avoir pris mon poste.
C’est lâche, me direz-vous. J’en conviens. Mais au moins, j’ai gardé mes yeux !
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Commentaires
1Benoît BarvinMercredi 8 Février 2012 à 08:51Répondre
Henri Vernes, je me rappelle, on achetait ses "Bob Morane", avec les potes.
On peut dire Morane, mais pas Morante, Anne, hein.3guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:494OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:49
Au fait, je crois bien que dans la collection "Frayeur" tu as écrit un "Gargouille". C'était autobiographique ?5OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:49
Bref, ma question est : pourquoi vétérante et non vétérane ?
D'où vient ce "t" ? Et pourquoi vouloir à tout prix cette féminisation forcée ? Le type qui appelle le coiffeur un "merlan" va-t-il dire, pour obéir aux oukhazes féministes, qu'une coiffeuse est une "merlante" ??? Un élan femelle devra-t-il être appelé "élante" ? Etc. etc. etc.6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:49
Si Jean Rollin a surnommé cette dame "gargouille", c'est en référence à mon roman, justement, qu'il avait publié quelques mois plus tôt. Ma Gargouille à mpoi est une horrible naine difforme ; la dame en question offre avec elle quelques ressemblances...7guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:498OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:49
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