• grands moments de solitude 51 (tome2)

                                                     Aux portes de la jungle

     

    Ecuador, 1985. Après avoir franchi la Cordillère des Andes par des routes cahotantes perchées au-dessus du vide, le bus atteint enfin le poste frontière de la Selva *. Les douaniers montés à bord ayant lancé des ordres en kechua, les voyageurs se lèvent et les suivent docilement.

         — Reste ici avec les bagages, me dit Sylvain, je m’occupe de la paperasse. J’en ai pour une minute.

         — Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils nous veulent ?

         — Oh, rien du tout : ils notent les noms et les adresses de toutes les personnes qui pénètrent dans la jungle. Au cas où l’une d’entre elles disparaissait, ça faciliterait les recherches.

         Confiante, je me réinstalle et m’arme de patience quand le bus effectue une manœuvre imprévue. Plutôt que d’attendre la fin des formalités, il plante là ses passagers et repart en sens inverse.

         Complètement paniquée, je bondis sur mes pieds et interpelle le conducteur dans un sabir mi-franglais, mi-espagnol :

         — Eeeh ! Que faites-vous ? Où allons-nous ?

          Il me répond quelque chose que je ne comprends pas, avant de prendre une route de traverse. Et je vois avec effroi disparaître la guérite, la foule agglutinée autour — et Sylvain, auquel je fais en vain des signes désespérés.  

         Une trouille bleue me tord les entrailles. Moi qui n’ai vraiment rien d’une aventurière, me voilà seule, sans papiers, sans argent dans un pays dont je ne parle même pas la langue, et en route pour une destination inconnue.

         Par chance, mon angoisse est de courte durée. Quelques instants plus tard, le bus fait demi-tour et regagne sa place. Il s’était éloigné pour laisser passer d’autres véhicules.

         N’empêche que j’ai cru ma dernière heure venue.

         Ce qui a bien fait marrer Sylvain.

         Et m’a incitée, dès le lendemain, à étudier des rudiments de kechua — que je me suis, par la suite, empressée d’oublier.

     

                                        * La forêt vierge

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 17 Janvier 2015 à 23:33

    Comme il n'y a pas de fonds à détourner, là-bas, ils font du détournement de Gudule.

    2
    Dimanche 18 Janvier 2015 à 10:50

    le détournement d'écrivaine, ça vaut nettement mieux que le détournement de mineure !

    3
    Dimanche 18 Janvier 2015 à 13:00

    Ben ça dépend. Une mineure de quatre ans, ça n'a effectivement aucun intérêt. Par contre, une mineure de seize ans, c'est autrement gaulé. Bon, moi je préfère détourner mon écrivaine, elle est trop mignonne.

    4
    Dimanche 18 Janvier 2015 à 13:03

    Oh voui, monsieur Castor, détournez-moi, bien que mes seize ans se soient envolés comme plume au vent, et mes quatre ans, n'en parlons pas. Parole de vieille dame !

    5
    Dimanche 18 Janvier 2015 à 13:05

    Je ne vois pas de vieille dame, ici.

    6
    Dimanche 18 Janvier 2015 à 15:25

    Oh, tu sais Castor, une vieille dame, ça va, ça vient...

    7
    Catherine
    Lundi 19 Janvier 2015 à 13:32

    Bon, je vais venir directement ici pour te lire parce que je suis loin de tout recevoir! Et celle-là, j'aurais pas voulu la manquer! Sylvain devait être plié mais je comprends vraiment ton angoisse!!

    Nonobstant, je confirme, une vieille dame ça va et ça vient très bien... 

     

    8
    Mardi 20 Janvier 2015 à 20:43

    Catherine, tu parles des vieilles dames indignes comme toi et moi, je suppose ?

     

    9
    Mardi 20 Janvier 2015 à 20:44

    les p'tites jeunes, à côté, c'est de la gnognote !

    10
    Catherine
    Mercredi 21 Janvier 2015 à 13:04

    Je confirme! Mais est-il besoin?...

    11
    Mercredi 21 Janvier 2015 à 14:27

    sarcastic Inutile, Cath ! c'est dans les vieilles soupières, hein ! ( Bon d'accord, on laisse Pierre en-dehors de nos turpitudes !)

     

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