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grands moments de solitude 51 (tome 2)
Rêve brisé
Dieu, que je l’aimais, cette lampe ! Une « mandarine » en pâte de verre orange achetée quelques euros dans un vide-grenier. Certes, elle était bien démodée ! Au début des années quatre-vingts, ces reproductions de luminaires art-déco faisaient fureur aux Puces de Clignancourt. En avais-je rêvé, à l’époque ! Mais elles valaient la peau du cul, et nous étions fauchés.
J’installai mon acquisition dans le petit salon du bas, qui servait de chambre d’amis. Mon fils Olivier et sa femme Brigitte y logeaient pendant les vacances, quand une nuit…
Un fracas de verre brisé en provenance de l’entresol me réveille en sursaut, suivi d’un cri aigu :
— Attention ! Ne bouge pas, surtout !
Puis la voix tremblante d’Olivier :
— Mais… qu’est-ce que c’est que cette horreur ? Bri, que s’est-il passé ?
— Ne bouge pas ! Ne bouge pas !
Je dévale l’escalier quatre à quatre pour trouver ma Brigitte tétanisée, devant son mari, couché sur le matelas à même le sol, et couvert d’une pelisse de minuscules débris de verre.
— Je… je… J’ai renversé la lampe et elle a explosé en mille morceaux, explique-t-elle. Il y en a partout. Attention où tu mets les pieds !
— Et je fais quoi, moi ? s’effare Olivier, en tentant de se redresser.
— Rien. Tu restes parfaitement immobile.
Vu que le matelas, la couette, la moquette — et sa peau — ne sont plus qu’un tapis d’échardes acérées, il n’insiste pas. Au moindre geste, c’est la blessure assurée.
Brigitte court chercher l’aspirateur afin d’éradiquer le plus gros du danger, et, tandis que je fous ce qui reste de la lampe à la poubelle, Olivier prend une douche, histoire de comptabiliser les dégâts. Par chance, à part quelques griffures sanglantes sur le torse et les bras, il est indemne.
Ouf, on l’a échappé belle !
C’est meurtrier, des fois, un rêve brisé !
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Commentaires
En tout cas, Olivier a survécu, je l'ai vu il y a peu.
C'était bien essayé, Brigitte.