• grands moments de solitude 49 (tome 2)

     

                                                         Irma la douce (ter)

     

              Durant toute mon enfance — et même bien au-delà — je « pensais » avant de m’endormir.En fait, je me racontais des histoires dont j’étais, comme il se doit, l’héroïne, et cet exercice mental, non content de stimuler mon imagination, m’apportait un immense plaisir. D’autant que, chaque soir, je reprenais le feuilleton interrompu la veille, de sorte que l’intrigue se complexifiait de jour en jour. La résumer avant chaque nouvel épisode me demandait un tel effort que je m’endormais souvent avant d’avoir fini.

               Un soir, comme tante Irma se plaignait d’insomnies, je lui dévoilai mon secret. Mais au lieu de m’en remercier, elle s’exclama:

               — Il faut que tu perdes très vite cette mauvaise habitude ! C’est dangereux de trop réfléchir : ça creuse des trous dans la cervelle.

    Imaginez mon trouble en apprenant la chose ! Mon occupation vespérale, que je croyais bien innocente, était, en vérité un genre de maladie qui me rongeait la tête comme une souris ronge un gruyère. Dès lors, je fis barrage aux belles aventures qui enchantaient mes nuits et repoussai mes rêveries dans le néant.

    C’était, je le suppose, le but de tante Irma qui, en vieille puritaine qu’elle était, devait craindre les pensées impures qui hantent l’inconscient des fillettes pré-pubères.

    Résultat : à force de m’évertuer à faire le vide dans mon esprit, je devins, moi aussi, insomniaque

    Dès lors, en dépit du risque encouru, je repris mes exactions nocturnes qui, par la suite, engendrèrent des contes, des romans, des pièces de théâtre — bref m’ouvrirent les portes d’une carrière littéraire.

    Carrière qu’interrompit, à soixante ans passés, une lésion cérébrale.

    Après tout, tante Irma avait peut-être raison…

    .

     

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Dimanche 12 Juillet 2015 à 10:19
    Tante Irma disait de la merde. Ce devait être une résurgence des noeuds au cerveau. Na.
    2
    Dimanche 12 Juillet 2015 à 19:33
    Tororo

    Même réaction que Yunette: grrrrrrrr... (grincement de dents).

    3
    Dimanche 12 Juillet 2015 à 21:06

    Tante Irma devait avoir une vie sexuelle aussi passionnante que celle d'un chou-fleur sur l'étagère du frigo.

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    4
    Yunette
    Dimanche 12 Juillet 2015 à 22:11
    Surtout que sur l'étagère, il n'y a même pas les carottes qui squattent le bac à légumes :)
    5
    Dimanche 12 Juillet 2015 à 22:39

    Un petit espoir peut-être avec les poireaux : des fois ils ne rentrent pas dans le bac à légumes.

    6
    Yunette
    Dimanche 12 Juillet 2015 à 22:53
    Encore faut il savoir les faire dégorger...
    Je la vois plus glaciale que fluide, la tante ^^
    7
    Samedi 1er Août 2015 à 14:49

    Comme quoi, on peut être douce et balancer des duretés sans aucun sens !

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