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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 47
La minute de volupté
Allez, une fois n’est pas coutume : aujourd’hui, je ne vous raconterai pas un événement honteux, mais plutôt une revanche follement jubilatoire.
En 2000, « J’irai dormir au fond du puits », paru chez Grasset-jeunesse, obtient le Prix des Incorruptibles, catégorie collège — un prix honnête, celui-là, puisqu’il est décerné par les lecteurs eux-mêmes. Grosse cérémonie, délégations d’élèves venus d’un peu partout avec leurs enseignants, cocktail, discours, applaudissements, etc.
Soudain, depuis le podium où on me remet ma récompense, qui aperçois-je, parmi la foule ?
André J.
Il était, à l’époque, éditeur chez Hachette, et, au départ, c’était pour lui que j’avais écrit ce roman. Roman qui n’avait pas eu l’heur de lui plaire, puisqu’il me l’avait refusé avec une lettre commençant par : « Gudule, tu m’as beaucoup déçu ». En dénonçant un certain nombre d’actes cruels, commis envers les animaux dans ce qu’on appelle « la France profonde », je me comportais, selon lui, en Parisienne bornée.
— Imagine ce que vont éprouver les lecteurs dont tu critiques ainsi les traditions ? me dit-il. C’est du racisme anti-province.
Or, les votants étaient, à quatre-vingt pour cent, des collégiens de zones rurales...
Pris à partie par des copines auteures, André fut forcé de reconnaître son erreur. Ce qu’il fit, je dois dire, avec beaucoup de fair-play. Mais ce dut être, pour lui, un vrai beau grand moment de solitude...
Moi, par contre, je flottais sur un petit nuage. S’il y a des instants de jouissance intense, dans ce métier, ce sont ceux-là. Instants trop rares, hélas. Car combien de manuscrits injustement décriés ont droit, ainsi, à une réhabilitation publique ?
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Commentaires
1benoît barvinVendredi 3 Février 2012 à 08:17Répondre
Sur cet opus 47, j'ai bu du petit-lait avec toi.5guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:496guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:497OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:49
Il y a aussi le manuscrit accepté, avec contrat signé, qui n'est jamais publié (changement de directeur de collection, dépôt de bilan de l'éditeur). Là, du coup, c'est de nouveau l'auteur qui a un GMS !8guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:49
@ Odomar : il y aurait des bouquins à écrire sur le sujet (bouquins dont personne ne voudrait, évidemment !). Entre les auteurs et les éditeurs, c'est toujours la guerre des moutons et des roses. Et quand un livre voit le jour, on en arrive presque à crier au miracle. Y a quéqu'chose de pourri au royaume de la littérature (pfiou, les références culturelles, ça fuse, aujourd'hui ! Désolée, hein...)9OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:4910guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4911OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:49
La justification par la "tradition" à laquelle on serait attaché (?) de toutes les bêtises et cruautés. L'argument favori des amateurs de corrida !12guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4913guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4914guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4915guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:49
En revanche, un gamin m'a reproché un jour : " Vous prétendez aimer les animaux, alors pourquoi les faites-vous souffrir dans vos livres ?".J'ai dû lui expliquer que mon propos était, justement, de provoquer son indignation. Comme quoi, les discours contenus dans un livre ne sont pas plus évident pour les gosses de dix ans que pour certains éditeurs...16NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:49
PS : pour moi, vous serez toujours une grande dame et j'espère vous revoir un jour.
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