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grands moments de solitude 4 (tome 2)
Irma la douce (ter)
Durant toute mon enfance — et même bien au-delà — je « pensais » avant de m’endormir. En fait, je me racontais des histoires dont j’étais, comme il se doit, l’héroïne, et cet exercice mental, non content de stimuler mon imagination, m’apportait un immense plaisir. D’autant que, chaque soir, je reprenais le feuilleton interrompu la veille, de sorte que l’intrigue se complexifiait de jour en jour. La résumer avant chaque nouvel épisode me demandai un tel effort que je m’endormais souvent avant d’avoir fini.
Un soir, comme tante Irma se plaignait d’insomnies, je lui dévoilai mon secret. Mais au lieu de m’en remercier, elle s’exclama :
— Il faut que tu perdes très vite cette mauvaise habitude ! C’est dangereux de trop réfléchir : ça creuse des trous dans la cervelle.
Imaginez mon trouble en apprenant la chose ! Mon occupation vespérale, que je croyais bien innocente, était, en vérité un genre de maladie qui me rongeait la tête comme une souris ronge un gruyère. Dès lors, je fis barrage aux belles aventures qui enchantaient mes nuits et repoussai mes rêveries dans le néant.
C’était, je le suppose, le but de tante Irma qui, en vieille puritaine qu’elle était, devait craindre les pensées impures qui hantent l’inconscient des fillettes prépubères.
Résultat : à force de m’évertuer à faire le vide dans mon esprit, je devins, moi aussi, insomniaque
Dès lors, en dépit du risque encouru, je repris mes exactions nocturnes qui, par la suite, engendrèrent des contes, des romans, des pièces de théâtre — bref m’ouvrirent les portes d’une carrière littéraire.
Carrière qu’interrompit, à soixante ans passés, une tumeur cérébrale.
Après tout, tante Irma avait peut-être raison…
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Commentaires
Ce qui va d'ailleurs porter le nombre de gaffes à 350 ou 400, la maladie n'a aucune prise là-dessus, hu hu !
Ah ben non, j'suis bête, c'est le père Castor qui doit te t'en raconter maintenant, des histoires !
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Y a pas eu de trous dans ta cervelle, mais un ajout. Tout le contraire.