• grands moments de solitude 39 (tome 2)

                                                               Autopsy d’une conne

     

             Mon premier vrai roman,  — d’ inspiration autobiographique, comme il se doit—, date de 1982. Il me fut commandé par un fanzineux qui rêvait d’améliorer son ordinaire en publiant des livres originaux. Son but : associer  un auteur plutôt humoristique et un dessinateur de bandes dessinées,  afin de profiter de l’engouement bédéphile des années soixante-dix .  A sa demande, et avec la promesse d’être illustrée par Edika, je me lançai donc dans un travail de longue haleine, moi qui, jusque là, m’étais contentée de courtes nouvelles, ou de papiers d’humeur dans des revues satyriques. L’expérience me plut au-delà de tout ; le résultat également, car une fois la maquette conçue, une fois les dessins incorporés dans le texte et le titre « Autopsy d’une conne »  posé en bonne place sur la couverture, j’eus le sentiment  d’avoir créé une œuvre. Mon rêve d’enfant se concrétisait : j’étais écrivain (enfin… écrivaine).

             Cette illusion fut éphémère car, suite à des problèmes d’argent, le projet capota.

             Bien que mon manuscrit réponde à des critères trop peu conventionnels pour l’édition classique (son format, entre autres, un petit 60.000 signes, alors qu’un livre de taille moyenne en contient le triple ; son style également, trop déjanté pour être honnête), je le proposai à Albin Michel. Refusé. Au Mercure de France, refusé. Puis à Flammarion, refusé, à Denoël, refusé, à La Découverte, refusé, chez Gallimard, refusé. Bref, en dépit de mes efforts, toutes les portes se fermèrent devant moi. Je n’étais pas taillée pour ce genre de démarche. J’avais un manuscrit, mais pas le mode d’emploi de sa publication. Pas terrible, comme début de carrière. Pas terrible du tout…

             Histoire de ne pas avoir bossé pour rien, je changeai mon fusil d’épaule. Je découpai l’intrigue en une cinquantaine d’épisodes que je lus au micro de radio Libertaire, lors de mon émission hebdomadaire. Le feuilleton eut l’heur de plaire à un auditeur, un certain Georges Méchain, vieil auteur de polars,  qui me prodigua force conseils dont je fis bon usage par la suite.

             —Modifie ton titre, me dit-il ; celui-là te dessert. Le mot « conne » en couverture est anti-commercial, le mot « psy » encore plus. En gros, tu as tout faux. Et tant qu’à faire, augmente le volume du texte pour en faire un roman d’une taille acceptable, qui puisse  s’intégrer dans une collection. Sinon, à part ça, ton livre est parfait.

             Encouragée par ces paroles, je me remis aussitôt à l’ouvrage et renvoyai chez Denoël — qui, cette fois, l’accepta — un manuscrit de près de 200.000 signes, titré « Et Rose elle a vécu ». Par la suite, ce livre, remanié,  fut repris par Grasset, puis par France-Loisirs, sous le titre : « La vie en Rose ». Ainsi naquit le premier tome des aventures de Rose, qui en compte cinq aujourd’hui. *

             Hélas, les deux derniers sont toujours orphelins. Rien n’est jamais acquis dans cette chienne de vie.

            

                                       * Voir chapitres 13 et 14 du présent recueil

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  • Commentaires

    1
    Lundi 21 Juillet 2014 à 00:32
    Annie GH
    Ton récit devrait donner du courage à tous les auteurs d'un premier roman qui galèrent pour trouver un éditeur…
    2
    Lundi 21 Juillet 2014 à 20:40
    Castor tillon
    Si ça pouvait aussi donner du courage aux éditeurs, Annie...
    3
    Lundi 21 Juillet 2014 à 21:17
    Annie GH
    Oui tu as raison Castor, le métier d'éditeur n'est plus ce qu'il était…
    4
    Lundi 21 Juillet 2014 à 22:07
    Gudule
    Galérer pour trouver un éditeur est aussi le lot des auteurs confirmés, Annie ! et ce, de plus en plus. Ils sont si peu nombreux à oser prendre le risque de faire de la création !
    5
    Mardi 22 Juillet 2014 à 08:22
    Mêo
    C'est la Rose Denoël
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    6
    Mardi 22 Juillet 2014 à 08:26
    Gudule
    Oh, joliii !
    7
    Mercredi 6 Août 2014 à 11:09
    Pata
    Oh, un joli mot de Mêo ^^

    Bon ben alors, je l'ai lu ton manuscrit retravaillé alors, il doit bien y avoir 18 ans de ça...

    "La vie en Rose" a été (pour moi, pas pour ta chronologie je crois !) la suite logique à mon coup de cœur pour "la vie à reculons"...

    N'empêche, je me faisais la réflexion que le titre et le format de ton bouquin était complétement dans l'air du temps actuel... Ce qui confirme que dans la vie, tout est une histoire de cycles et que la patience est une vertu indémodable !!!
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