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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 34
Argn !
Dans mon village — comme dans tous les villages —, il y a souvent des histoires de chiens. C’est à travers eux que s’expriment les sympathies et les antipathies des habitants, leurs animosités, leurs rancœurs secrètes et leurs inclinations. Tel villageois apprend à son toutou à aller crotter sur le seuil de tel autre — auquel, par ailleurs, il adresse des sourires de bonne camaraderie. Telle mamie regarde avec jubilation son molosse bouffer le roquet de sa voisine, sans un geste pour l’en empêcher (et si on le lui reproche, elle répond, indignée : « moi, je n’interviens pas dans les affaires des chiens. Est-ce qu’ils interviennent dans les miennes, eux ? »). Bref, comme disait l’autre, observez les chiens, vous verrez leurs maîtres.
J’ai, pour ma part, une adorable ratière nommée Zoé, qui est la douceur même et s’entend avec tout le monde, bêtes et gens.
L’été dernier, nous étions toutes deux à la terrasse d’un café quand passe monsieur le maire. Il s’arrête pour faire un brin de causette, et m’explique qu’à la suite des plaintes réitérées de ses administrés, il va exiger qu’un certain nombre de chiens agressifs soient tenus en laisse, et éventuellement muselés. Puis, avisant Zoé, il lui frictionne vigoureusement la tête, en ajoutant avec un petit rire :
— Je ne parle pas pour toi, bien sûr !
Or, s’il est une chose, une seule, qui met ma chienne hors d’elle, ce sont les familiarités intempestives, surtout venant d’inconnus. Ni une ni deux, dans un grognement désapprobateur, elle mord la main qui l’outrage. Oh, pas bien fort — mais suffisamment pour que sa victime fasse un bond en arrière et s’exclame :
— Eeeh ! Mais elle est dangereuse, cette sale bête !
Et là, je me suis dit : « Quelle conne, cette clébarde ! A tous les coups, son nom va être en tête de liste : elle est bonne pour la muselière ! »
Par chance, le décret n’est jamais sorti : le conseil municipal, composé en majorité de propriétaires de chiens, s’y est opposé.
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Commentaires
Le maire docu ne vaut pas le maire d'alors.4guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:505guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:50
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D'autre part, un chien qu'on ne connaît pas, c'est comme un électeur : il faut lui parler, tendre la main grande ouverte - pour une léchouille, mais aussi pour éviter de se faire mordre - et surtout éviter de le secouer, et de le shampouiner, même dans le sens du poil. Apparemment, le maire ne connaît pas grand-chose aux chiens, mais il faut reconnaître que les chiens n'entendent rien à la diplomatie.