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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 30
Le petit chat qui chiait du gras
On traîne derrière soi de vieux remords qui reviennent vous hanter les nuits d’insomnie. Cette histoire me poursuit depuis presque un demi-siècle.
Je venais d’arriver à Beyrouth avec mon bébé quand, au cours d’une promenade, je trouve un chaton dans la rue. Tout attendrie, je le ramène chez moi. Mais que sais-je, à l’époque, de la manière d’élever un animal, des soins à lui donner, des choses à ne pas faire ? En dépit de mes supplications, mes parents n’ont jamais voulu de bêtes...
Ça mange quoi, les chatons ? Je n’en ai pas la moindre idée.
La veille, j’ai préparé un gigot, et le fond de la lèche-frite est couvert d’une épaisse couche de graisse figée. A tout hasard, je la lui tends ; il se rue dessus et se met à lécher, lécher... « Ben voilà ! » me dis-je, toute contente, sans réaliser qu’un tel aliment, en grande quantité, est forcément nocif pour un aussi frêle organisme. Résultat : au bout de quelques heures (ou de quelques minutes, je ne me souviens plus), la malheureuse bestiole se met à chier du gras. Ça lui coule du cul en longues traînées molles, comme si la graisse de viande avait traversé son tube digestif sans subir la moindre modification. C’est très impressionnant ! Très inquiétant aussi.
« Il a une maladie, me dis-je stupidement. Genre typhus ou choléra. Et ça peut être dangereux pour mon bébé... »
Me reviennent en mémoire d’horribles histoires de microbes et de vers solitaires racontées par ma mère pour justifier son refus d’avoir un animal. Et je commence à flipper grave. Je suis une inconsciente, une criminelle d’exposer mon fils à de pareils dangers !
Ni une ni deux, je fous le chaton dehors, débrouille-toi pépère, moi, je m’en lave les mains...
Je n’ai jamais su ce qu’il était devenu.
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Commentaires
Mais bon. J'ai été élevé sans religion, alors...
Je sais, c'est très très mauvais, mais le froid extérieur est tellement mordant que les neurones en trémulent... "Madame, il fait grand vent, et j'ai tué six loups", disait-on dans "Ruy Blas", si ma mémoire n'est pas aveugle.
A part ça, j'suis donc ben content car ce midi, à l'espace culture Leclerc du coin, là où j'avais trouvé il y a quelques mois "J'irai dormir au fond du puits", j'ai acheté "La Maison Cannibale". C'est que du bonheur !
Aucune entité venue des tréfonds du néant ne me souffle quoi que ce soit... puisque je suis l'une d'elles ! ! !6OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:50
Mais je ne te jette pas la pierre : c'était ancré, enraciné en toi, génétiquement programmé, donc tu n'en es pas coupable.7guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:508OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:50
Mais en effet il y a une conjonction des deux : le bourrage de crâne qui entretient la "culpabilité judéo-chrétienne" utilise habilement les pulsions les plus sombres du "cerveau reptilien". Ce que tu avais en toi en tant que mère (protection de son petit à tout prix) servait ainsi à justifier toutes les bêtises superstitieuses possibles.9guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:50
@ Odomar : je suis un peu dérangée par la désapprobation latente que tu sembles exprimer quant à ce sentiment bien légitime : le désir d'une mère de protéger son enfant. Sans doute est-ce lié à un mauvais souvenir...10OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:5011guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:5012guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:5013guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:50
Sinon, je suis bien contente que tu retrouves ton âme d'enfant à la lecture de mes livres. Quoique... J'acques Chambon, si je n'"avais pas donné "J'irai dormir au fond du puits" à Grasset, me l'aurait pris pour Présence du fantastique. Comme quoi, cet âme d'enfant, on la garde tous !14guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:50
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Si ça peut te rassurer, il n'est pas resté seul longtemps : il y a toujours quelqu'un qui craque pour ces petits mollusques, c'est trop mignon.