• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 30

    Le petit chat qui chiait du gras

       On traîne derrière soi de vieux remords qui reviennent vous hanter les nuits d’insomnie. Cette histoire me poursuit depuis presque un demi-siècle. 

             Je venais d’arriver à Beyrouth avec mon bébé quand, au cours d’une promenade, je trouve un chaton dans la rue. Tout attendrie, je le ramène chez moi. Mais que sais-je, à l’époque, de la manière d’élever un animal, des soins à lui donner, des choses à ne pas faire ? En dépit de mes supplications, mes parents n’ont jamais voulu de bêtes...

             Ça mange quoi, les chatons ?  Je n’en ai pas la moindre idée.

             La veille, j’ai préparé un gigot, et le fond de la lèche-frite est couvert d’une épaisse couche de graisse figée. A tout hasard, je la lui tends ; il se rue dessus et se met à lécher, lécher... « Ben voilà ! » me dis-je, toute contente, sans réaliser qu’un tel aliment, en grande quantité, est forcément nocif pour un aussi frêle organisme. Résultat : au bout de quelques heures (ou de quelques minutes, je ne me souviens plus), la malheureuse bestiole se met à chier du gras. Ça lui coule du cul en longues traînées molles, comme si la graisse de viande avait traversé son tube digestif sans subir la moindre modification. C’est très impressionnant ! Très inquiétant aussi.

             «  Il a une maladie, me dis-je stupidement. Genre typhus ou choléra. Et ça peut être dangereux pour mon bébé... »

             Me reviennent en mémoire d’horribles histoires de microbes et de vers solitaires racontées par ma mère pour justifier son refus d’avoir un animal. Et je commence à flipper grave. Je suis une inconsciente, une criminelle d’exposer mon fils à de pareils dangers !

             Ni une ni deux, je fous le chaton dehors, débrouille-toi pépère, moi, je m’en lave les mains...

             Je n’ai jamais su ce qu’il était devenu.

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 17 Janvier 2012 à 13:37
    Castor tillon
    Ton blog devrait être déclaré d'utilité publique, parce qu'on en apprend tous les jours. Quand j'étais môme, on a eu plein de chats et de chatons, j'ai jamais vu une chose pareille !
    Si ça peut te rassurer, il n'est pas resté seul longtemps : il y a toujours quelqu'un qui craque pour ces petits mollusques, c'est trop mignon.
    2
    Mardi 17 Janvier 2012 à 13:42
    Castor tillon
    Je crois que cette religion soutient que les animaux et les femmes n'ont pas d'âme, c'est bien ça ? A moins que ça aie changé depuis peu.
    3
    Mardi 17 Janvier 2012 à 14:20
    Castor tillon
    Pour la religion, ce n'a été à la base qu'une collection de conseils d'hygiène de vie, et non un dogme (ce que vous faites au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites). Il a fallu que ça soit interprété par des prêtres trop bêtes pour l'appréhender, ou trop avides de pouvoir pour l'admettre. Et ça continue...
    Mais bon. J'ai été élevé sans religion, alors...
    4
    Mardi 17 Janvier 2012 à 15:46
    Jean-Michel Archaimb
    Moi, comme d'hab, il me vient une question aussi sotte que grenue : la souris verte de la chanson a-t-elle croisé ce petit chaton qui faisait de l'huile - et que la légende, depuis lors, a immortalisé sous le nom du "Chaton à Rachid" ?
    Je sais, c'est très très mauvais, mais le froid extérieur est tellement mordant que les neurones en trémulent... "Madame, il fait grand vent, et j'ai tué six loups", disait-on dans "Ruy Blas", si ma mémoire n'est pas aveugle.
    A part ça, j'suis donc ben content car ce midi, à l'espace culture Leclerc du coin, là où j'avais trouvé il y a quelques mois "J'irai dormir au fond du puits", j'ai acheté "La Maison Cannibale". C'est que du bonheur !
    5
    Mardi 17 Janvier 2012 à 16:54
    Jean-Michel Archaimb
    Ta question me surprend et me déçoit quelque peu, car elle prouve que tu doutes de moi. Je te donne quand même bien généreusement (?) la réponse.
    Aucune entité venue des tréfonds du néant ne me souffle quoi que ce soit... puisque je suis l'une d'elles ! ! !
    6
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    Odomar
    C'est bien ça, la 'dark side' de la maternité ! Ces mères qui feraient n'importe quoi pour protéger LEUR petit.

    Mais je ne te jette pas la pierre : c'était ancré, enraciné en toi, génétiquement programmé, donc tu n'en es pas coupable.
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Ah, tu vois ça comme ça, toi ? Pour moi, c'est surtout une démonstration de l'imbécillité des idées reçues, et de la culpabilité judéo-chrétienne. La conjonction des deux a donné des générations de monstres immatures, convaincus de leur innocence et de leur bonté alors même qu'ils multipliaient les victimes. Toi qui as reçu comme moi une éducation chrétienne, as-tu remarqué que les commandements de dieu, si chatouoilleux sur la pureté et le respect des supérieurs, ne disent pas un mot sur la cruauté, la souffrance infligée aux plus faibles que soi, qu'elle soit morale ou physique, et touche les enfants ou les animaux ?
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    8
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    Odomar
    Depuis, on a concédé une âme aux femmes...

    Mais en effet il y a une conjonction des deux : le bourrage de crâne qui entretient la "culpabilité judéo-chrétienne" utilise habilement les pulsions les plus sombres du "cerveau reptilien". Ce que tu avais en toi en tant que mère (protection de son petit à tout prix) servait ainsi à justifier toutes les bêtises superstitieuses possibles.
    9
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    @ Castor : malheureusement, on était au Liban dans les années 60, et la culture musulmane est très inhumaine envers les animaux, pire encore que chrétienne, c'est dire ! Rares étaient les personnes qui récupéraient des animaux perdus...
    @ Odomar : je suis un peu dérangée par la désapprobation latente que tu sembles exprimer quant à ce sentiment bien légitime : le désir d'une mère de protéger son enfant. Sans doute est-ce lié à un mauvais souvenir...
    10
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    Odomar
    C'est un autre débat. Tu as sûrement raison : j'ai une très mauvaise expérience de la maternité. Si tu vois la mère des trumeaux dans "L'Herbe rouge" de Vian : c'est la mienne !
    11
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Un débat sans fin car tous, autant que nous sommes, avons connu des déboires avec nos mère — et, en tant que mères, avec nos enfants. C'est une relation impossible, je crois. L'amour, la haine, le pouvoir, la dépendance, l'identification, la projection, le désavœu, la trahison, tout s'en mêle. J'avais écrit jadis une petite nouvelle sur le sujet, je te l'envoie par mail.
    12
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    @ Castor : ben ouais, au départ, c'est juste du bon sens, mais t'as vu ce qu'on en fait ? L'Inquisition, la Shoah, les camps de travail, les lapidations, les dictatures théocratiques, la condamnation du préservatif... Je crois que peu de choses ont autant pourri l'existence humaine que les religions. Quoique le capitalisme n'est pas mal non plus, dans son genre. Encore une religion...
    13
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Tes jeux de mots me donnent le frisson. Ils ne sont pas humains, Jean-Michel. Quelle entité effroyable, venue des tréfonds du néant, te les a soufflés ?
    Sinon, je suis bien contente que tu retrouves ton âme d'enfant à la lecture de mes livres. Quoique... J'acques Chambon, si je n'"avais pas donné "J'irai dormir au fond du puits" à Grasset, me l'aurait pris pour Présence du fantastique. Comme quoi, cet âme d'enfant, on la garde tous !
    14
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Foutre ! Excuse-moi pour ce pataquès, frère des ténèbres ! Je te connais pourtant bien, depuis que ton Requiem m'a révélé les dessous de ton âme d'ombre...
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