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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 28
Bijoux de famille
Avril 1971. Installés à Paris depuis peu, nous n’avions pas le sou vaillant quand, pour des raisons personnelles, Alex se retrouve dans l’obligation de se rendre à Beyrouth. Une fois le billet payé, il ne nous reste rien — mais ce qui s’appelle rien, hein ! Que des dettes ! Or, un Libanais qui voyage se doit, selon la tradition, de rapporter des cadeaux à toute sa famille ; mon mari ne peut, même dans une dèche noire, déroger à cette règle d’or.
Il n’y a pas trente-six solutions : puisque nous ne pouvons pas les acheter, ces cadeaux, nous allons les voler.
Pas question de s’en prendre aux petits commerçants : notre éthique nous l’interdit. En revanche, les grandes surfaces ont un budget-fauche (du moins, c’est ce qui se raconte). Sans état d’âme donc, nous planifions notre forfait.
Laissant nos deux loupiots à la garde d’une voisine, nous nous rendons aux Galeries Lafaillite, avec la ferme intention de n’en pas revenir les mains vides. La chose s’avère d’une facilité déconcertante : l’époque étant moins parano qu’aujourd’hui, l’usage des caméras ne s’est pas encore généralisé. Il reste moult zones sans surveillance, en particulier dans les rayons des babioles sans valeur — celles qui, justement, nous intéressent.
Comme la mode est à l’exotisme, un étage entier est consacré au mobilier, tissus, vêtements et bibelots importés du Pakistan. Or, les journaux de gauche commencent à dénoncer l’exploitation des pays du Tiers-monde, en particulier le travail des enfants. Excellent pour notre conscience, ça ! Dans cette caverne d’Ali Baba du pauvre, nos larcins ne porteront préjudice à personne, au contraire !
« Ce qui vient d’Orient retournera en Orient », émet sentencieusement Alex.
En gros, nous ne commettons pas un délit, nous posons un acte politique.
Des paniers contenant des bijoux de pacotille sont disposés un peu partout. Pendant que je fais le guet, Alex y puise à pleines mains et les fourre dans les poches de son blouson. Puis, ni vu ni connu, nous nous dirigeons vers la sortie.
Soudain, le regard attiré par un rayon quelconque, je ralentis le pas, me laissant distancer par mon mari. Et là, horreur ! je m’aperçois que, tel celui du Petit Poucet, son itinéraire est jalonné de bagues, boucles d’oreilles et autres bracelets. On peut aisément le suivre à la trace...
Nous avions tout prévu... sauf le trou dans la poche !
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Commentaires
1benoit barvinDimanche 15 Janvier 2012 à 10:14Répondre4guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:505OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:50
Je ne dis pas que la fin est décevante, mais finalement c'est la "solitude" la plus soft de la collec.6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:507guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:50
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