• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 27

    La déclaration

      Le dimanche suivant, Ricco m’invite chez lui. Plus exactement, chez ses parents qui occupent une grande maison dans les quartiers chics. Je m’y pointe avec mon fils, Frédéric. Ils sont déjà toute une bande, affalés dans les canapés, à écouter des disques en buvant du Coca. Le bébé passe de bras en bras, toutes les filles en sont folles, à commencer par la sœur de Ricco, Noëlle, qui s’improvise nounou en chef. 

             — On vient de sortir notre premier 45 tours, m’annonce Alex. Il faut absolument que tu l’entendes.

             — Allez dans ma chambre, vous serez plus tranquilles, intervient Ricco. Nous, on le connaît par cœur !

             L’instant d’après, nous nous retrouvons tous deux assis sur le lit, la porte fermée à cause du bruit. Je mentirais en disant que je ne suis pas troublée. « Michelle » me donne le frisson, et Alex est craquant, avec son merveilleux sourire et son aura de guitariste.

             Comble du comble, le voilà qui s’approche de moi en murmurant :

             — Il faut que je t’avoue quelque chose : je suis amoureux de toi. Depuis qu’on s’est rencontré, je ne pense qu’à ça. Je n’en dors plus la nuit...

             Houlà ! Tout cela est trop subit, trop inattendu. Je patauge dans la semoule, moi !

             Vais-je céder ? La tentation est grande mais, avec mes responsabilités de mère de famille, j’hésite à m’embarquer dans une histoire sans lendemain... Parce qu’elle est forcément sans lendemain : Alex a une sacrée réputation de dragueur !

             J’avale ma salive, je tourne sept fois ma langue dans ma bouche, et je réponds dans un souffle :

             — Ecoute, je t’aime beaucoup mais je ne me sens pas prête. Je sors d’une grosse galère avec le père de mon fils, et...

             Tout en parlant, je me traite mentalement d’idiote. C’est quoi, ces scrupules à la noix ? De l’autopunition ? Qu’est-ce que j’attends pour tomber dans ses bras, nom d’un chien ? J’en meurs d’envie !

             Je suis sur le point de céder quand Alex crie « perdu ! » en direction de la porte. Et celle-ci s’ouvre sur les copains hilares.

             — J’avais parié que tu l’enverrais promener, me dit Ricco, en récupérant l’enregistreur planqué sous le lit. Merci ! Grâce à toi je viens de gagner vingt livres !

             Ni une ni deux, je le traite d’enfoiré, Alex de connard, je récupère mon gamin et je me barre, humiliée au dernier degré.

    Mais le cœur des hommes est plein d’imprévu. Un an plus tard, Alex m’épousera, devenant officiellement le papa de Frédéric. Nous aurons deux autres enfants et resterons mariés dix-sept ans.

     

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 14 Janvier 2012 à 15:59
    Castor tillon
    ça, c'est le genre de trucs débiles que font les garçons. C'est même pas de la méchanceté, en plus, c'est juste de la déconnade, et pour faire le malin devant les potes. Ils ne se rendent pas compte à quel point ça peut être blessant pour une nana.
    J'espère que tu avais un magnétophone pour sa demande en mariage !
    2
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Même pas, y a pas eu de demande en mariage, en fait... Mais chut ! ça, c'est pour une prochaine solitude !
    3
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    Odomar
    Quand même, j'imagine que "Alex" a dû en faire des tonnes ensuite pour se rattraper...
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Ouais, deux gosses, genre...
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