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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 235
Retour à la nature
Courant soixante-dix, nous décidons, Alex et moi, de tourner le dos à la civilisation. Foin du confort débilitant, il est grand temps de retrouver les « vraies valeurs » ! Avec l’aide de mes parents, nous achetons, en bordure du village de Launoy, près de Soisson, une fermette à retaper. L’endroit est idyllique (je l’ai longuement décrit dans « J’irai dormir au fond du puits »), il y a l’électricité, l’eau à la pompe, le feu dans la cheminée et un grand potager. Que souhaiter de plus pour élever notre nichée — qui ne se compose encore que de Frédéric et Olivier, onze et huit ans ?
On s’arme d’une marteau, d’une truelle, de beaucoup de courage, et on dit aux garçons : « Allez courir les champs, ça vaut mieux que la télé ». Ce qu’ils s’empressent de faire, de peur, sans doute, de devoir donner un coup de main.
C’est l’été, le temps est superbe, les travaux progessent lentement mais sûrement. Nos sauvageons ne réapparaissent qu’aux heures des repas ; ils sont affamés, tout bruns, en pleine forme. Rien à voir avec les gamins faméliques de la ville !
— On a découvert un trésor, nous annoncent-il un jour.
Avec des mines de conspirateurs, ils nous emmènent visiter leur planque : un petit poulailler en ruine, accolé au flanc de la maison. Et là, qu’apercevons-nous, parmi les herbes folles et la fiente séchée ?
Un obus.
Un vrai. Un peu rouillé, certes, mais entier.
Entier ?
Ni une ni deux, Alex chope un gamin, moi l’autre, et nous détalons hors de portée d’une éventuelle explosion— c’est-à-dire à une bonne centaine de mètres.
— Où l’avez-vous trouvé ? s’enquiert mon mari d’une voix cassée par l’émotion.
— Dans la carrière, répond Frédéric. Les enfants d’ici font la collection. Ils disent que ça date de la guerre de 14.
— Tu crois que cet engin peut encore péter ? demandai-je, en proie à un flip monstrueux.
Alex m'assure que oui : ce genre d’accident arrive régulièrement.
— Allez, tous en voiture, ajoute-t-il. On file à la gendarmerie !
Nous y avons passé l’après-midi. Frédéric et Olivier, interrogés par les gendarmes, n’en menaient pas large. Finalement, un spécialiste du déminage s’est rendu sur place, et a embarqué l’obus (qui était inoffensif), de sorte qu’en fin de journée, nous avons pu rentrer chez nous.
Nos fils, impressionnés par tout ce branle-bas, nous ont juré de ne plus jamais toucher aux « bombes ». Je ne sais pas s’ils ont tenu parole, mais en tout cas, ils sont toujours là !
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Commentaires
1Benoît BarvinLundi 12 Novembre 2012 à 08:19Répondre
Les mômes, y a qu'eux pour trouver des trucs comme ça, on peut leur faire confiance.4guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:405guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:406guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:40
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