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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 230
Nichon
Beyrouth, 1965. Mon premier vrai travail : prof de dessin dans une école primaire réservée aux fillettes de la haute société. Une école de sœurs, je précise.
Laissant mon bébé de trois mois à la garde de ma belle-sœur, je vais donner mon cours. Tous se passe bien durant une demi-heure, quand soudain, une élève lève le doigt :
— M’dame, pourquoi il est tout mouillé, votre chemisier ?
Oh, zut, mes seins débordent ! C’est bientôt l’heure de la tétée...
Ni une ni deux, j’explique aux petites filles l’allaitement maternel. Ce qui les passionne, et pour cause : ces pratiques sont proscrites, dans la bourgeoisie libanaise. Le téton, c’est bon pour les bonniches, les femmes de la montagne. Chez elles, on n’utilise que du lait en poudre made in U.S.A.
Au terme de l’exposé, les questions fusent. Une en particulier :
— Pourquoi vous n’emmenez pas votre bébé avec vous ? Comme ça, vous pourriez le nourrir quand le lait « monte ». Et en plus, on le verrait !
Cette proposition recueille tous les suffrages.
— Tope-là ! m’écriai-je, ravie (car je déteste être éloignée de Frédéric). Et pendant qu’il têtera, vous ferez des croquis que vous apporterez à vos mamans. Je suis sûre que ça leur plaira !
Très fière de mon idée, je m’empresse de la mettre exécution. Ma « leçon de vie » se déroule à merveille. Jamais mes élèves n’ont été aussi aussi attentives, aussi silencieuses. Chacune repart donc avec son dessin — dont certains, sans me vanter, sont de vraies réussites.
Le lendemain, convocation de la directrice.
« Elle va me féliciter de mon sens pédagogique », me dis-je en moi-même.
Point du tout : elle me passe un savon. Mon « exhibition » a fortement déplu aux parents d’élèves. Depuis la veille, les plaintes affluent.
— Quelle honte ! Quelle indécence ! vitupère la religieuse, en brandissant quelques croquis, rapportés par les mères furibondes. Vous n’avez donc aucune pudeur, madame ?
La gorge sèche, je tente de me justifier :
— Mais, ma sœur, je n’ai rien fait de mal. En Belgique...
— Nous ne sommes pas en Belgique ! Par votre comportement irresponsable, vous avez déshonoré cet établissement scolaire. Dorénavant, nous nous passerons de vos services.
Elle me tend une enveloppe avec mon salaire.
— Un conseil, achève-t-elle, tandis que je me dirige à pas lents vers la porte : si notre mentalité ne vous convient pas, retournez donc enseigner en Belgique !
Voilà comment j’ai perdu mon emploi. Le premier d’une longue série...
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Commentaires
1Benoît BarvinVendredi 2 Novembre 2012 à 07:31Répondre
Surtout chez les "bonnes" soeurs.
Ça me rappelle certain épisode de "la vie en Rose", tiens.
Allez, avoue : c'est toi qui a demandé à Solé de faire cette illustration ?5NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:41
J'espère que cette bonne dame n'a jamais eu l'occasion de visiter la Chapelle Sixtine, crise cardiaque assurée.6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:417OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:418guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:41
Ça fait bien plaisir de te retrouver sur ce blog !
Gros gros bisous
GUDULE9guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4110NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:41
http://a402.idata.over-blog.com/446x575/2/13/64/18/peinture/P7HNXOMGQVV_403SNY3.jpg
http://www.cosmovisions.com/images/FoucquetViergeEnfant.jpg
http://b.imdoc.fr/1/voyages/hongrie-budapest/photo/0061527006/812606e74/hongrie-budapest-chrnach-vierge-enfant-img.jpg11guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4112guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4113guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:41
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