• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 23

    Lulu Panty

      Avril 1982. Dargaud rachète Charlie mensuel et sollicite Siné. Ce dernier, qui n’a jamais fait de BD, me propose de devenir sa scénariste, ce qui donne naissance à Lulu Panty, petite bonne femme rigolote, féministe, mauvais genre, et fervente adepte du porte-jarretelles.

             Durant trois numéo (du 2 au 5 de la nouvelle formule), on s’amuse beaucoup, Bob et moi. Sur deux pages contenant chacune cinq strips de quatre cases, Lulu vit des aventures rocambolesques, commente l’actualité, lance des pavés dans la mare, énonce des aphorismes provocateurs... Mais pas trop, hein ! Juste ce qu’il faut pour faire marrer le lecteur sans être jamais vulgaire (à notre avis, du moins). Hélas, lorsque Siné apporte les pages du numéro 6 :

             —Désolé, on arrête, lui dit le rédacteur en chef. L’agent de Schulz nous a mis le marché en main : c’est toi ou lui. Et comme « Les Peanuts » est la série vedette du journal...

             Siné, estomaqué, demande de plus amples explications.

             — Schulz est choqué par l’obscénité (!) de ton personnage, lui est-il répondu. Il refuse que son nom soit associé, d’une quelconque manière, à ta production.

             Comme ça se passe pendant mes vacances en Corse, j’apprendrai la chose par un article virulent de Delfeil de Ton, dans le Nouvel Obs. Mais à quoi bon pester — ou même faire amende honorable ? Face au géant d’outre-Atlantique, Bob et moi  ne faisons pas le poids. Exit Lulu Panty, longue vie à Charlie Brown.

             Et on s’étonne que je fasse de l’antiaméricanisme primaire ?

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  • Commentaires

    1
    Mardi 10 Janvier 2012 à 13:47
    Castor tillon
    J'aimais beaucoup Siné. Je me rappelle avoir lu un Alphonse Allais illustré par lui, c'était vraiment symbiotique. Allais l'aurait adoré. Il a pas travaillé à "la bande des Siné" chez Frédéric ? Oops.
    Etrange que Schultz s'offusque d'une bande dans Charlie Mensuel où on en voyait de toutes les couleurs, alors qu'il pouvait être publié sans problème chez Mickey. J'espère qu'il s'est racheté un second degré depuis, à moins qu'il ait demandé à illustrer la bible avec Crumb.
    2
    Mardi 10 Janvier 2012 à 14:27
    Castor tillon
    Je n'ai pas eu vent de cette histoire, ça m'aurait fait rire. A une époque où l'underground amusait tout le monde, il a dû passer pour un crétin. J'ignorais qu'il était si procédurier, c'est triste pour un humoriste de BD.
    En 2011, le procès aurait tourné autrement, bien sûr, à moins qu'il ait pris des cours d'auto-dérision chez Gudule.
    3
    Mardi 10 Janvier 2012 à 15:05
    Castor tillon
    Oui, c'est ça qui est étonnant : quand on n'a plus rien à prouver, qu'on a la renommée, l'argent, et des hommages (comme celui de cette femme), on laisse couler, c'est pas dangereux pour l'image. Et puis, les Peanuts restent les Peanuts, ils sont inoxydables.
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Tu connais "La bande ces cinés" ? Décidément, ma chtite famille n'a aucun secret pour toi !
    Ce bon monsieur Schulz, dont, au demeurant, les personnages sont s, n'en était pas à son coup d'essai. Courant 70, une dame (dont j(ai oublié le nom) ayant publié un mémoire sur lui, dans lequel étaient incluses de parodies ses BD réalisées par les dessineux les plus talentueux du moment, a été traînée en justice. J'étais au procès, où maître Kiejman, qui la défendait, a basé toute sa plaidoirie sur le fait que cet humoriste n'avait aucun humour. je me souviens que nous avons beaucoup ri. Et que Schulz a perdu son procès. J'ignore s'il en serait de même aujourd'hui...
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    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Tiens, j'ai une demi phrase qui a sauté, dans mon commentaire précédent; je parlais des personnages de Schulz, "au demeurant si sympathiques"... comme leur créateur, j'en suis certaine. Mais dans la mesure où, sur son nom, s'est érigé un véritable empire, il a, je le suppose, une image à défendre. et sans doute un égo à la mesure de sa renommée. Perso, les gros égos m'ont toujours révulsée. Je trouve ça obscène. J'ai toujours en tête l'image de ces crapauds qui développent, sur leur abdomen, une énorme boule rouge à la saison des amours. Faut-il qu'ils soient peu sûrs d'eux-même pour avoir besoin d'un tel appareil — génital, psychologique... ou judiciaire — pour s'affirmer !
    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Faudrait demander aux crapauds ce qu'ils en pensent...
    7
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    Odomar
    Hello ! Le livre en question était "Monsieur Schulz et ses Peanuts", de Marion Vidal, dans la collection dirigée par Marjorie Alessandrini chez Albin Michel.

    Les Etats-Unis sont un pays puritain dont le sport favori est la chasse aux sorcières (au sens propre du temps de Salem, au figuré à l'époque maccarthyste). L'attitude de Schulz rejoint celle des juges traquant Polanski, des femmes de chambre syndiquées hurlant contre DSK, et... de FaceBook qui censure la moindre image de nudité.
    8
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:50
    gudule
    Ah, merci ! Décidément, tu es l'homme qui sait tout. Tu m'épateras toujours.

    Parfaitement d'accord avec toi en ce qui concerne ce dangereux puritanisme qui, de plus en plus, déteint sur nous. Il suffit de voir les commentaires des internautes, concernant les événements que tu cites, pour se rendre compte qu'ici aussi, les mentalités sont en train de changer. Le déferlement culturel américain n'y est sans doute pas étranger...
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