• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 211

    Liberté surveillée

             Aubervilliers, 1971. Avec Olivier, âgé de trois ans, nous avions mis au point un jeu très amusant : je m’asseyais sur un banc, dans le square, et il faisait tout seul le tour du « bois » (un massif de quelque vingt mètres carrés auquel le banc était adossé). Cette formidable aventure lui prenait au moins cinq minutes, car il n’allait pas vite sur ses petites jambes, et se soldait par des éclats de rire lorsqu’il surgissait de l’autre côté.

             Moi, pendant son périple, j’avais le temps de lire une demi page.

             Or, un jour, ma page se termine sans qu’Olivier réapparaisse. Je m’étonne, je l’appelle ; pas de réponse. Je pars à sa recherche ; personne sur le parcours. Affolée, j’interroge les passants.

             — Un petit garçon avec un pull rouge ? demande quelqu’un.

             — Oui, vous l’avez vu ?

             — Une dame l’a emmené.

             Je m’étrangle :

             — Où ça ?

             — Chez les flics, je pense. Elle a cru qu’il était perdu.

             Le commissariat est à cent mètres. Hors d’haleine, j’y retrouve Olivier qu’on entend beugler jusque dans la rue. La police m’accueille avec suspicion, en dépit de mon évident soulagement. Voilà la mauvaise mère ! L’abandonneuse d’enfant !

             Je n’ai pu récupérer mon fils qu’après trois quarts d’heure d’interrogatoire et une déposition circonstanciée. La nuit suivante, il a fait des cauchemars. Moi aussi. La dame, en revanche, a sûrement dormi sur ses deux oreilles, avec la bonne conscience du devoir accompli !         

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  • Commentaires

    1
    Mardi 25 Septembre 2012 à 08:24
    Benoît Barvin
    Moi je n'accablerai pas cette citoyenne qui a fait son métier de citoyenne, quand même... Bien qu'elle eût pu, je vous l'accorde mes amis, se renseigner avant. Mais qui dit que cette femme aux cheveux frisottés, à la longue robe voyante de Hippie, aux lunettes d'intello (lire un livre alors qu'on devrait surveiller sa progéniture comme le chanvre sur le feu, c'est suspect!) qui dit qu'elle n'était pas une vraie voleuse d'enfant en raison de son déguisement, hein?
    2
    Mardi 25 Septembre 2012 à 11:21
    castor tillon
    Cette chieuse n'a pas eu à emmener Olivier bien loin : à l'époque, le commissariat était DANS le square. J'appellerais volontiers ça de la malveillance.
    3
    Mardi 25 Septembre 2012 à 15:34
    castor tillon
    Oui, il y avait la petite rue au bout, mais pour aller au commissariat, il fallait entrer dans le square, il était tout de suite après la grille, à droite. D'ailleurs, il y avait une grille symbolique là, mais le square était ouvert partout ailleurs.
    4
    Mardi 25 Septembre 2012 à 16:07
    castor tillon
    Oui, j'ai passé ma jeunesse à Auber, à cette époque j'avais 20 ans, et j'habitais rue du Pont-Blanc, juste en face de chez Didier Daeninckx, et la famille Catalifaud (l'acteur a pris par la suite le nom de Patrick Catalifo), entre autres.
    Aubervilliers n'a pas bonne réputation, mais elle a une grande tradition culturelle.
    5
    frédéric
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    frédéric
    Raaaah ! l'angoisse ! Ne nos jours, il se passe tellement de trucs (ou on en parle tellement plus) que je surveille ma progéniture comme du lait sur le feu, surtout le dernier qui a eu 3 ans cet été... Mais n'empêche, la vieille bique, elle ne pouvait pas faire le tour du square pour demander à qui était le bambin ?!! J'imagine ce que tu as dû ressentir dans un premier temps en en voyant pas ton minot arriver, puis ensuite devant ces messieurs de la police qui n'ont sans doute pas manqué de te faire comprendre que tu étais irresponsable ! Diantre !
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    6
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Gudule
    Monsieur Barvin, vous êtes une mauvaise langue ! Et d'un, j'étais très correctement habillée, et de deux, à l'époque, je ne portais pas encore de lunettes, et de trois, je n'étais pas frisottée non plus. Je portais les cheveux longs comme une madone saint-sulpicienne... Et, comme le dit Frédéric, elle aurait pu se renseigner avant d'embarquer le gosse chez la maréchaussée. Parce que bon, on était dans un square, quand même ! L'endroit par excellence où les p'tits bouts de chou sont en liberté ! Perso, ce genre de "bon citoyen", je m'en méfie comme de la peste. C'est de la graine de délateur !
    7
    Flore
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Flore
    Elle était vraiment bizarre cette femme. Quand on voit un enfant qui a l'air perdu, la première chose à faire c'est lui demander "Où est ta Maman ?" et pas traîner de force un gamin hurlant jusqu'au commissariat le plus proche.
    8
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Gudule
    Cent pour cent d'accord avec toi, Flore. Le zèle, dans ce domaine, peut s'avérer catastrophique... et même suspect, à la limite !

    @ Castor : Tu vivais à Aubervilliers dans ces années-là ? Si je me souviens bien, il était dans une petite rue derrière le square, mais donnait peut-être dessus... C'est assez flou dans mon souvenir, remarque.
    9
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Gudule
    Oh nom d'un chien, c'est vrai. D'ailleurs, en écrivant ma solitude, j'y ai pensé. J'avais d'abord placé le commissariat derrière le square, puis j'ai corrigé et j'ai mis à 200 mètres, parce que cette proximité me semblait bizarre. Pas crédible, en tout cas. Tu as rectifié ; merci beaucoup. Mais je te repose la question : tu y as habité, à cette période ? (Au fait, n'en avions-nous pas parlé en rentrant de Montpellier ? On a même évoqué le grand HLM orange et blanc...)
    10
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Gudule
    Tu parles ! Il y avait une bibliothèque hallucinante. Je rêvais d'y travailler. j'avais écrit à Jack Ralite, le maire d'alors, pour solliciter un petit poste dans cet antre des merveilles (même femme de ménage, j'aurais accepté) mais il ne m'a jamais répondu. Il y avait aussi un théâtre génial où je suis allée voir Raymond Devos, et... oh ! foutre, je viens de me rappeler d'un moment de solitude ! Je cours l'écrire !
    11
    Marylise
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Marylise
    Et vous oubliez , les Albertivillariens , la piscine , rue ...Poisson !
    J'adore vos moments de solitude , Gudule !
    A quand la publication ?
    12
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Gudule
    C'est ma foi vrai ! Un fort belle piscine, d'ailleurs... Merci, Marylise !
    13
    Nadege
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Nadege
    J'y suis passé 20 ans trop tard on dirait.

    Je rejoint les autres sur la santé mentale de cette femme.
    14
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Gudule
    Je ne sais plus du tout à quoi ça ressemble, maintenant. De mon temps, c'était assez sympa, comme petite ville. Mais bon, c'était juste après mai 68. Les mentalités étaient différentes. J'ai de merveilleux souvenirs de 14 juillet dans le square, avec des chansons de Jean Ferrat diffusées dans les hauts-parleurs, et tout le monde qui les reprenait en chœur.
    15
    Nadege
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Nadege
    Bah, y'a 20 ans (j'avais 12 ans), le peu que j'en ai vu n'était pas terrible et il parait que c'est pire maintenant :/
    16
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:42
    Gudule
    Je le suppose, vu la dégradation des banlieues parisiennes (selon le médias, du moins). C'est un peu triste...
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