• grands moments de solitude 210 (tome 2)

                                                                      Superstition

     

           Septembre 1998. La polardeuse Brigitte Deslandes est engagée aux éditions du Masque pour mettre en place une collection de thrillers destinés à la jeunesse.

             —Dans un souci de cohérence, j’aimerais que chaque histoire s’appuie sur une superstition particulière, m’explique-t-elle avant de me passer commande. Cette politique éditoriale sensibilisera nos jeunes lecteurs aux traditions obscurantistes dont sont trop souvent victimes les animaux. Un  critère pédagogique qui est, à mes yeux, l‘essence même de ma collection !

             — Tu penses aux chouettes clouées sur les portes des granges, par exemple ?

             — Exactement !  Tu me fais un petit synopsis de deux-trois pages sur ce thème et on lance le contrat ?

             —Allez, hop, c’est parti !

             De retour chez moi, je me mets illico au boulot, ce qui donne naissance à « j’irai dormir au fond du puits », court roman du terroir dont Brigitte prend livraison une quinzaine de jours plus tard.

             Manque de pot, si le récit la séduit, ce n’est pas le cas de  sa directrice de publication, une battante hermétique par nature aux élucubrations de mon héroine dont la mièvrerie l’horripile.

             Bref, elles se prennent le chou et, de discussions houleuses en accusations réciproques, finissent par déclarer forfait. Elles ne sont pas faites pour bosser ensemble. Brigitte, vexée du manque de confiance de sa supérieure hiérarchique, donne sa démission à grand renfort d’effets de manches, et l’entrevue s’achève sur l’enterrement de la collection litigieuse.

             Me voilà donc avec mon thriller mort-né sur les bras, et personne pour le prendre en charge.

             Dans les jours qui suivent, je le porte chez Hachette.  Paul de R. responsable du « Livre de poche », qui m’a déjà publiée à plusieurs reprises, sera forcément intéressé.

             Eh bien, non ! non, non, non, non, non, non. La lettre qu’il m’envoie une semaine plus tard commence par : « Gudule, tu m’as beaucoup déçu ! »

             Et pourquoi donc ?

             C’est très simple.

             — Ton discours est carrément élitiste ! C’est celui d’une Parisienne  qui, du haut de son piédestal urbain, juge les mœurs rurales. Imagine que tu sois fils de paysans de Picardie ou de Bretagne, comment prendrais-tu cette accusation publique de barbarie ?

             S’ensuit une diatribe qui déconstruit mes arguments, ainsi que la structure de l’enquête sur laquelle ils reposent

             — Mais je n’ai fait que me conformer au cahier des charges de Brigitte Deslandes, protestai-je.

             — Je te rappelle que c’est à moi que tu as proposé ton manuscrit, et pas à elle, rétorque Paul.

             Ben… euh… si.

             Grasset, par chance rattrape le coup : courant 1999, « j’irai dormir au fond du puits » obtient le prix de la SGDL (récompense prestigieuse de la profession), et celui des Incorruptibles, décerné par l’ensemble des collèges nationaux. Je crois que Paul de R. l’a eu dans le baba !

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 2 Décembre 2014 à 18:59

    Il s'est pris une veste, Paul R.

    (Les lecteurs : ASSEZ !!! QUAND CE FICHU CASTOR VA-T-IL ARRÊTER AVEC SES JEUX DE BALLES À DEUX MOTS ?!)

    2
    Mardi 2 Décembre 2014 à 19:48

    QU'EST-CE QU'ILS ONT, MES JEUX DE BEAUX À DEUX MALLES ?

    C'est vrai, quoi, on ne s'entend plus, là-dedans !

    3
    Mardi 2 Décembre 2014 à 19:51

    Certains éditeurs font décidément preuve d'une sagacité et d'un professionnalisme qui me laissent pantois.

    4
    Mardi 2 Décembre 2014 à 20:43

    euh.., castor, j'ai oublié de signaler qu'il avait mauvaise haleine, Paul R.

    5
    Mardi 2 Décembre 2014 à 21:00

    C'est normal, c'est un ours, Paul R.

    6
    Mardi 2 Décembre 2014 à 21:43
    Tororo

    Qu'est-ce que c'est que cet élitisme parisianiste discriminatoire vis-à-vis des ours?

    7
    Mardi 2 Décembre 2014 à 21:55

    C'est vrai, Tororo, pour les Paul R., je ne puis que supputer. Ceci dit, il y a un ours parisien de mes amis qui pue salement du bec. Pour envoyer, ça envoie.

    Bon, je clique sur le bouton "Envoyer"...

    8
    Mardi 2 Décembre 2014 à 22:17

    c'est pas les phacoches R qui puent salement du bec ? je les confonds toujours avec les sacoches R-messe (et allez hop, une tite lichette d'anticléricalisme prime'R. ) (ça, c'est pour les copains novellistes qui barbotent dans le luxe ! salut, les potes !)

    9
    Mardi 2 Décembre 2014 à 22:23

    Nan, mon mien parisien ami, c'est à cause qu'il picolait. A mon avis, quand on plante des culs de bouteilles, ça repousse du goulot.

    10
    Mercredi 3 Décembre 2014 à 10:18

    oh flûte, j'ai confondu les sac R. messe avec les sacs voui-thon. pour moi, tous ces bazars, c'est du pareil au même, et je plains sincèrement mes petits camarades d'avoir dû écrire des nouvelles sur ces trucs improbables ; à leur place, j'aurais pas su quoi mettre.

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    11
    Mercredi 3 Décembre 2014 à 10:32

    Voui-thon, le design est extrêmement laid. Pourquoi cette affreuse chose coûte-t-elle si cher ?! Je n'en voudrais pas même si j'avais la fortune de Bill Gates.

    12
    Mercredi 3 Décembre 2014 à 14:06

    ah, ça, je dois dire ! tous ces objets pour rombières des deux sexes représentent pour moi le summum du mauvais goût. trimbaler ce genre de trucs, franchement, j'aurais honte ! mais bon, on ne va pas relancer la fameuse polémique du comité colbert ; ce truc sans intérêt qui a fait couler tant d'encre et divisé les passionnés d'un genre littéraire jadis lucide et sympathique !

    13
    Jeudi 4 Décembre 2014 à 20:32

    tes jeux de beaux à combien de mâles, déjà, Castor ?

    14
    Jeudi 4 Décembre 2014 à 20:43

    Demain, en séance plénière, nous étudierons le cas Lambourg.

    15
    Samedi 27 Juin 2015 à 08:42

    Pffff :)

     

    Y'a pas que ton histoire qui soit chouette : les commentaires aussi vous clouent par terre de rire !

    16
    Mardi 14 Juillet 2015 à 19:13

    — Allo, Daphnis ? C'est Chloé !

    — Et ça tient ?                 (les Frères Ennemis)

     

    Ma Pata, Gudule et moi on était les vrais frères amis !

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