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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 198
L’appel
Maman avait un rêve : que l’un de ses enfants se consacre au Seigneur (c’est-à-dire devienne prêtre ou religieuse). Comme mes frères ne semblaient pas avoir la vocation, elle se rabattit sur moi.
— Tu seras peut-être un jour l’épouse du Christ, me disait-elle souvent.
L’idée ne me déplaisait pas, a priori : je trouvais les robes des nonnes assez seyantes. Cependant, un détail pratique me tracassait. On m’avait expliqué que les jeunes gens bien élevés faisaient leur demande en mariage avec des gants blancs et un bouquet de fleurs. Dieu se pliait-il à ces coutumes terrestres, ou utilisait-il une méthode plus grandiose, du genre apparition dans le soleil couchant ou pluie de rose, comme pour sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ?
Ma question amusa maman mais ne la désarçonna point.
— Il t’enverra un signe, promit-elle.
— Lequel ?
— Je l’ignore, à toi d’être à l’écoute.
A l’écoute, donc, je me mis. Hélas, malgré toute ma bonne-volonté, rien ne se passa. Aucune voix céleste ne m’appela à un destin exceptionnel et, même en songe, nulle vision édifiante ne m’apparut. Force me fut donc d’admettre que le Très-Haut ne voulait pas de moi dans son harem.
J’en avais pris mon parti quand un jour, au Thier-à-Liège, en fouillant avec mes camarades dans la décharge du terril, sur quoi tombai-je ? Je vous le donne en mille !
Une pierre de la dimension d’un poing. Enfin, à première vue. En y regardant mieux, et bien que ses traits fussent effacés par l’érosion, il s’agissait d’une tête. Celle d’une statue pieuse au menton orné d’une barbe. Mon cœur se mit à battre comme il n’avait encore jamais battu.
Le signe !
Je courus planquer ma trouvaille sous mon oreiller, convaincue que, durant la nuit, elle me chuchoterait de tendres aveux pour m’inciter à entrer au couvent. Re-hélas, j’eus beau tendre l’oreille, la tête miraculeuse resta muette. Et, comble du comble, le lendemain, en faisant mon lit, Tantine — pourtant si pieuse, d’ordinaire — l’extirpa de sa cachette pour la jeter aux ordures.
Après ça, on s’étonnera qu’il y ait une crise de vocations, dans l’Eglise catholique !
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Commentaires
1Benoît BarvinJeudi 30 Août 2012 à 08:38Répondre
Cette illustration de mon ami Ryko arrive bien, tiens :
http://nsm05.casimages.com/img/2012/08/31//12083102575014328910264431.jpg3GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:434GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:435NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:436GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:437OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:438GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:43
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