• grands moments de solitude 194 (tome 2)

    .                                                                     Valentin Letendre

     

             Certains éditeurs ne mesurent pas le privilège d’avoir tel ou tel auteur à succès dans leur « écurie ».   Cette année-là, Plon jeunesse cartonnait grâce aux Peggy Sue de S.B. À tel point que la direction le sollicita afin qu’il créât, secondé par des collaborateurs de son choix, une nouvelle série dans la même veine. S’ensuivit un coup de fil qui m’enchanta littéralement.

             —Veux-tu te joindre à nous ? me proposait S. B. Voici comment j’envisage les choses : une équipe réduite mais dynamique et bourrée d’imagination. Pour chaque écrivain, un tome de 250.OOO signes par mois, avec un (ou des) héro(s) récurrent(s) dans le(s)quel(s) les ados puissent se reconnaître.

             — Houlà ! protestai-je : ce n’est pas mon format, ça ! Moi, je tourne  plutôt autour des 100 à 150.000 signes. Je n’aime les gros pavés ni en tant que lectrice, ni en tant qu’auteure.

             — Rien ne t’empêche d’écrire plusieurs  petites nouvelles qui, mises bout à bout, donnent un roman-fleuve, reprend S.B. C’est une formule qui, en ce qui me concerne, a fait ses preuves.

              L’idée est loin de me déplaire, si bien que je promets un synopsis pour les semaines à venir — synopsis dont S. B. compte prendre connaissance à son retour de vacances. L’à-valoir me convient, les termes du contrat également, bref il n’y a aucune raison qu’à ce stade avancé,  l’affaire capote.

             C’est ce qui se passe, cependant. Profitant de l’absence de l’initiateur du projet, la direction embauche une éditrice qui, bien qu’ultra-novice en littérature jeunesse, reprend la série  à son compte. Les contrats sont signés dans la foulée;  le nom de la nouvelle directrice de collection y remplace celui de S. B.(dont nous ignorions qu’il avait été évincé) et le chiffre des-à-valoir  est divisé par deux. Bref, hormis le fait que S.B. furieux, part en claquant la porte (et à raison), tout roule. Deux mois plus tard sortent les premiers exemplaires. Mon héros, destiné en priorité aux garçons, se nomme Valentin Letendre, et le tome 1 est rebaptisé « Valentin Letendre, Amour magie et sorcellerie », tandis que le deuxième devient, pour cause de marketing :  «  Valentin Letendre, Frisson, Amour et Maléfice » (On peut trouver actuellement ces ouvrages en éditions numériques chez Multivers : http://www.multivers-editions.com/…/nos-couvertures-font-p…/)

             Comme S. B. semble tenir tout particulièrement au suivi de la série, je me creuse le ciboulot pour lui pondre un second  tome  dans la parfaite continuité du précédent.

             Lorsque je lui annonce la bonne nouvelle  par téléphone. Sa réponse me laisse pantoise :

             — Je ne fais plus partie de la maison, adresse-toi à ma remplaçante.

             Or, non seulement cette personne s’est lamentablement plantée dans le choix des couvertures (que l’on croirait dessinées par quelque préado  en proie aux affres d’une puberté précoce) mais quand je mentionne l’ouvrage que, selon nos accords verbaux,  je viens laborieusement de terminer, elle s’écrie :

             —Ah non, non, non ! je n’en veux pas, c’est bien trop tôt !  Faut d’abord liquider le tirage précédent.

             J’ai beau lui rappeler que ses concurrents sont très demandeurs, rien n’y fait. (Le suivi drastique des séries, c’est le point sensible de ce genre littéraire alors en plein essor). À L’évidence, la dame est dépassée par les us et coutumes d’un métier qu’elle n’a jamais approché de près. «  Valentin Letendre, Frisson, Amour et Maléfice » sortira donc l’année suivante, avant d’être repris, à ma demande expresse, par le club « Succès du livre » sous une admirable couverture d’Erwann Surcouf.

             L’année suivante, aux Imaginales d’Épinal, j’apprends que les éditions Bragelonne (où sont déjà parus quatre de mes titres pour adultes) crée une collection jeunesse Sfff, à laquelle je suis censée participer. Comme le cahier des charges correspond à peu près à celui des «  Valentin », j’y vois l’occasion d’extirper mon héros de l’oubli et m’informe candidement :

             — Vous recherchez une sorte de Valentin Letendre, c’est ça ?

             La réponse positive de mon interlocutrice donne le feu vert au «  Faiseur d’anges », un gros bouquin de fantasy ( 350.000 signes) qui me sera refusé aussi sec car pas assez « beat lit » pour Bragelonne. « Le spectre sans yeux », son successeur, connaîtra le même sort jusqu’à ce que les éditions « Armada » s’y intéressent et programment sa sortie pour janvier 2015. 

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 28 Novembre 2014 à 01:23

    Les directrices de collection semblent collectionner surtout les gaffes. Et si elles avaient un semblant d'humilité, on pourrait presque en sourire.

    2
    Vendredi 28 Novembre 2014 à 01:24

    Les directrices de collection semblent collectionner surtout les gaffes. Et si elles avaient un semblant d'humilité, on pourrait presque en sourire.

    3
    Vendredi 28 Novembre 2014 à 01:26

    Les directrices de collection semblent collectionner surtout les gaffes. Et si elles avaient un semblant d'humilité, on pourrait presque en sourire.

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    4
    Vendredi 28 Novembre 2014 à 10:07

    @ Castor : celle-là était particulièrement gratinée, je dois dire ; celle-là était particulièrement gratinée, je dois dire ; celle-là était particulièrement gratinée, je dois dire.

    5
    Vendredi 28 Novembre 2014 à 10:21

    C'est le système de commentaires d'Eklablog qui déconne, pardon.

    C'est le système de commentaires d'Eklablog qui déconne, pardon.

    C'est le système de commentaires d'Eklablog qui déconne, pardon.

    6
    Vendredi 28 Novembre 2014 à 10:28

    Si tu as un commentateur bègue, je te dis pas.

    7
    Vendredi 28 Novembre 2014 à 10:30

    Pfff, pfff, pfff, pfff

    8
    Samedi 27 Juin 2015 à 08:27

    Je les lus tiens, les Peggy Sue... Du Brussolo pour enfant qui n'en perd pas pour autant sa précision parfois cruelle, matériau indispensable pour créer des contes !

     

    Ben niveau cruauté, son éditrice lui a ravit la palme dis donc !

    9
    Mardi 14 Juillet 2015 à 19:38

    Ouais, Pata. De plus, pour virer Brussolo, faut vraiment rien avoir dans le chou.

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