• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 192

    Le sens de la vie

      Je devais avoir huit ou neuf ans quand cette question  commença à me turlupiner : comment faisait-on les enfants ? Jusque là, je m’étais contentée de l’explication de ma mère : la future maman prie avec ferveur, et si le Bon Dieu estime qu’elle en est digne, il place un bébé dans son ventre. En gros, selon ce principe, toutes les femmes étaient des Saintes Vierges.

             La charmante illusion eut pu durer longtemps s’il n’y avait eu les copains du Thier-à-Liège et leur fameuse « councougne ».

             Ayant entendu à plusieurs reprises ce mot de swaïli, ramené du Congo par les coloniaux, j’en demandai le sens à Jean-Aimé dont le père avait fait son service dans les paras. Il se mit à rire et ébaucha un geste — l’index de sa main droite entrant et sortant de son poing gauche — qui, bien qu’éloquent, ne m’éclaira guère.

             Devant mon air perplexe, il précisa :

             — Les parents councougnent pour mettre la graine.

             Et comme je ne comprenais toujours pas, il m’indiqua deux chiens — dont la caniche de ma tante — en train de copuler :

             — Comme eux, quoi ! Après, Mirza aura des jeunes.

           Offusquée par la grotesque comparaison — et l’ignominie qu’elle sous-entendait —, je m’écriai :

             — Je ne te crois pas, t’es rien qu’un menteur ! Jamais mes parents ne feraient ce truc dégoûtant !

             Pourtant, bien que je m’en défende, le doute était semé. Aussi, quand Mirza accoucha, interrogeai-je l’aîné de mes cousins qui l’assistait :

             — Ça se passe comme ça, la naissance des enfants ?

             — Bien sûr, répondit-il. Tous les êtres vivants se reproduisent de la même manière.

             — Et... euh... le truc d’avant, pour les fabriquer ?

             — Pareil.

             À dater de ce jour, j’ai regardé ma mère d’un autre œil. Sous ses airs puritains, elle avait vraiment une curieuse façon de prier ! 

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 18 Août 2012 à 08:32
    Benoît Barvin
    Tous les enfants qu'on élevait de manière assez noeud-noeud (j'ose) ont connu cette interrogation, l'explication qui les offusqua et l'étrange regard porté, désormais, sur la "gente" féminine maternelle... Bien qu'habitant l'Afrique et zieutant les gros seins exhibés des natives de la région, ça s'est passé de la même manière chez moi, garçon... Et, quelques années après, nous voilà écrivant des textes ollé-ollé...
    2
    Samedi 18 Août 2012 à 14:28
    Tororo
    Tout est prière à ceux qui ont le cœur pur. (par ailleurs, ça fait tout drôle d'apprendre que les Belges entre eux parlent swahili... décidément nous les connaissons bien mal, nos voisins!)
    3
    Samedi 18 Août 2012 à 18:13
    Martine27
    J'adore la dernière phrase !
    4
    Samedi 18 Août 2012 à 21:31
    Tororo
    Ah ben c'est pas après avoir râlé l'autre jour contre les méfaits d'une conception figée de l'orthographe que je vais trouver quoi que ce soit à redire à ta façon d'écrire swaïli. D'ailleurs c'est par routine que j'ai écrit swahili, parce que cest comme ça qu'on le voit écrit le plus souvent de nos jours, nous les français on devrait écrire souahéli, et surtout pas à l'anglaise! Jamais! Remember Fachoda!
    5
    Lundi 27 Août 2012 à 05:29
    Castor tillon
    Vilaine Mirza. Le genre de truc qui déboulonne les statues.

    Ça n'a pas vraiment de rapport, mais je ne peux pas m'enlever de la tête cette illustration canine de Morano qui s'excite contre la cuisse de Marine Le Pen.
    6
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:43
    Gudule
    Benoît, j'ai toujours dit que tu étais mon frère (en Notre Seigneur) !
    7
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:43
    Gudule
    @ Tororo : c'est vrai que ton orthographe de swahili est meilleure que la mienne. Mais je l'ai toujours écrit avec un tréma. Eh oui, tout comme en France, des tas de mots d'Arabe émaillent le langage du fait de la colonisation, chez nous, c'est ce dialecte congolais. Je parle de ça dans mon livre "Entre chien et louve".
    @ Martine : elle n'est que le pur reflet de la vérité !
    8
    ingrid
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:43
    ingrid
    C'est donc pour ça que je suis tombée enceinte à 14 ans alors que je m'étais bien appliquée à ne jamais prier !

    Hihi non ma mère n'est pas du genre à prier, moi elle m'avait parlé d'une petite graine qui germait dans le ventre, alors c'est à bien me laver le nombril que je m'étais appliquée, ne voyant à l'époque que cette entrée possible pour la petite graine...
    9
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:43
    Gudule
    @ Tororo : cent pour cent d'accord pour souhaéli : j'ai toujours trouvé le w incongru dans les mots africains. Juste pour des raisons esthétiques, je précise. Y a vraiment rien de rationnel là-dedans !
    @ Ingrid : c'est ravissant, cette idée de se laver le nombril. En revanche, question contraception... ben j'ai quelques doutes. Sauf chez les fées, bien sûr !
    10
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:43
    gudule
    Qu'importe que Mirza déboulonne des statues si elle suscite des métaphores utiles !
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