• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 182

    La doublure

     Été 1956. Toute la famille est en vacances à Westende, petite station balnéaire de la côte belge. Mes frères et mes cousins, nettement plus âgés que moi, traînent avec un groupe de jeunes entre 16 et 25 ans, dont je suis bien entendu exclue. A quelques exceptions près, en particulier cette fameuse soirée dans les dunes...

             On buvait du Coca et de la limonade, assis sur le sable. Ça papotait, ça rigolait, ça se bousculait un brin. Comme mon cousin Jeannot (celui de « Jeux interdits ») gratouillait sa guitare, un cercle d’admiratrices s’était formé autour de lui. Du coup, pour faire style, il avait posé le pied sur un siège pliant, son instrument de musique reposant sur sa cuisse nue, puisqu’il ne portait qu’un slip de bain...

             On était économe, dans les familles nombreuses de l’après guerre. En tant que dernier-né d’une fratrie de six enfants, Jeannot héritait des vêtements de ses frères aînés. C’était le cas de ce slip qui, à force de lavages, s’était distendu, de sorte que « quelque chose » dépassait légèrement par l’entrejambes, du côté droit.

             En entendant glousser les filles — auxquelles ce détail n’avait pas échappé —, je m’empressai de leur demander ce qui les amusait tant. Elles rougirent, pouffèrent plus fort, et l’une d’entre elles me chuchota :

             — Va dire à ton cousin qu’on voit la doublure de son maillot.

             J’obéis sans penser à mal. Jeannot fronça les sourcils, me fit répéter ; je lui montrai la chose du doigt. Il regarda, perdit contenance, et, ni une ni deux, s’éclipsa sous les explosions de rires de ses copines. 

             Durant le reste des vacances, il fut exécrable avec moi. Je n’en compris les raisons que bien plus tard, quand me furent révélés les envoûtants mystères de l’anatomie virile. Rétrospectivement, je savourai son humiliation. Il y avait une Justice, nom d’un chien !

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 29 Juillet 2012 à 10:14
    Benoît Barvin
    Ah, ces rires moqueurs de filles concernant l'anatomie masculine... J'étais à la Fac des Lettres et je me déplaçais en vélo. Il faisait un temps très mitigé, aussi avais-je pris un parapluie pliable. Je rangeais mon vélo, ayant glissé innocemment l'engin censé me protéger de la pluie entre mes cuisses... N'y voyant, moi, aucun mal... On imagine sans peine, avec ce "gros" bout qui dépassait, les rires égrillards d'étudiantes... américaines, de surcroît! Je n'en ai voulu à personne, si ce n'est à ma naïveté et je me suis enfui... heu... la "queue" entre les jambes...
    2
    Dimanche 29 Juillet 2012 à 22:10
    Castor tillon
    Bien fait, Jeannot. Takavais pas faire des jeux interdits avec ta cousine, gredin !
    ça fait plaisir de lire celle-ci, la première m'avait laissé un sentiment d'inachevé.
    3
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:44
    gudule
    Oh la jolie solitudinette que voilà ! Une mignonne petite histoire comme je les aime !
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:44
    gudule
    Bien dit, Castor ! La Justice Immanente, ça s'appelle. ça donnerait presque envie de croire en dieu !
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