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grands moments de solitude 17 (tome 2)
Les canons de la beauté
Où ai-je lu cette phrase : « La jeune fille avait des jambes de gazelle ; aussi fines et aussi velues » ? Je ne m’en souviens plus, mais elle a ranimé dans ma mémoire une petite histoire depuis longtemps oubliée.
Enfant, j’avais fait ce troublant constat : les jolies filles avaient toujours du poil aux pattes. L’épilation n’étant pas encore de mise, dans les provinces rurales de la Belgique profonde, les « fiancées » de mes grands cousins arboraient toutes — je dis bien toutes ! — une abondante pilosité sur les mollets et les chevilles. Cela, bien entendu, n’avait pas échappé à ma sagacité, de sorte que j’établis très vite le parallèle entre séduction et système pileux. Or, bien qu’ayant à peine atteint l’âge de raison, la séduction, c’était mon truc. Avec une frénésie nourrie de contes de fées et de chansons sentimentales, je m’identifiais à ces créatures qui faisaient, comme on dit, « tourner la tête aux hommes ». De là à scruter mes cannes maigrichonnes, pour y déceler le moindre duvet, il n’y avait qu’un pas. Je le franchis allègrement, et pire : j’en franchis un deuxième : comment le développer, ce duvet si sexy ?
Mes copines, consultées, avouèrent leur ignorance.
— Il faut beaucoup se laver, suggéraient les unes. L’eau, fait pousser les plantes, et pourquoi pas les poils ?
— Au contraire, affirmaient les autres : la saleté est un engrais. C’est pour cela qu’on met de la bouse de vache sur les poireaux.
Bref, je n’étais guère plus avancée. Jusqu’à ce que Josiane, sous le sceau du secret, me confie que sa grande sœur se rasait chaque matin.
Cette révélation bouleversa mes valeurs, car pour moi, Alvina (la grande sœur en question), incarnait pile-poil l’idéal féminin. Ni une ni deux, mes certitudes se firent la malle et je ne jurai plus que par la peau glabre.
Ainsi, même à neuf ans, se débarrasse-t-on de ses préjugés.
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Commentaires
1Annie GHSamedi 28 Juin 2014 à 23:00Répondre
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