• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 154

     Les gros mots

      Mes premiers livres étaient truffés de gros mots, un tic d’écriture que je devais, sans doute, à mes années Charlie hebdo. "Rosaloche-la-moche", paru en 1987 aux éditions Syros, en est le meilleur exemple.

       L’histoire en elle-même était plutôt sympa. Elle contait les déboires d’une petite fille de neuf ans obligée de porter des lunettes — tout comme Mélanie, à qui ce récit était destiné. J’espérais, par ce biais, faire passer le message qu’elle refusait d’entendre : « Une paire de lunettes n’a jamais enlaidi personne ». Afin d’étayer mon propos, l’illustrateur, Alain Fretet, avait réalisé de très beaux croquis d’elle.

             Flattée d’être doublement l’héroïne d’un livre, elle en avait, bien sûr, parlé en classe. De sorte qu’à parution, l’instituteur lui réclama un exemplaire pour le lire tout haut à ses élèves. Mélanie s’empressa de le lui apporter... et rentra le soir, en larmes.

             — À chaque gros mot, le maître faisait « hum, hum » et tout le monde éclatait de rire en me regardant, m’expliqua-t-elle. C’était horrible. T’aurais jamais dû me faire ça, maman !

             Troublée, j’ai relu le texte d’un œil critique et dénombré pas moins de douze « merde » — sans compter les « chier », « con » et autres « enfoiré ». Ce qui m’a foutrement remise en question...

             Mes romans suivants ont été bien plus soft. Surtout ceux destinés à l’âge de ma fille !         

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 1er Juin 2012 à 08:09
    Benoît Barvin
    "Nom d'un boz", comme dirait l'autre, tu n'aurais pas attaqué frontalement mais juste par le biais de l'histoire, des personnages, ce que tu fais excellemment aujourd'hui, le gentil prof n'aurait pas été obligé d'adopter son attitude de "bofitude"... Depuis, tu as fait du chemin...
    2
    Vendredi 1er Juin 2012 à 20:06
    Zoé
    Arf, le prix d'une petite remise en question.
    Qué chance de pouvoir être l'héroïne des livres de sa mère en étant petite quand même !
    3
    Samedi 2 Juin 2012 à 04:17
    Castor tillon
    Mes bouquins d'enfant, c'était genre "Cadichon le petit âne". Pas moyen de déconner avec les potes, à la lecture. C'était bien aussi, hein, mais y avait pas de livres gudulesques, à l'époque.
    Nan, j'exagère, à neuf ans, je lisais autre chose, mais c'était tout aussi dénué de gros mots que de tifs sur la tête de Sire Concis.
    Excellente double solitude, merci Mélanie !
    4
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    Eh, c'est comme ça qu'on apprend à domestiquer la bête qui est en nous, hein !
    5
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Odomar
    Je note l'innocence de Mélanie, qui était loin de prévoir une telle issue. De la gloire à la honte, quelle dégringolade !
    6
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    Pauvre choute ! Comme quoi, personne n'est à l'abri de l'oppression bien-pensante !
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    gudule
    @ Zoé : Elle l'a été durant toute son enfance et son adolescence, puisque l'âge des lecteurs auxquels étaient destinés mes livres était le sien. On la retrouve, entre autres, dans "La vie à reculons" (Mélanie) et dans "L'envers du décor" (Ohoo.Je pense qu'elle aimait bien ça...

    @ Castor : Lé mémoires d'un âne... Dieu, que j'ai aimé ce livre ! Mais c'est vrai que ça déconnait peu, dans la littérature pour la jeunesse. Sauf Fifi Brindacier qui fut, durant toute mon enfance, mon idole absolue.
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