• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 150

    Les iris

      Tantine était une as du jardinage. Elle adorait ses fleurs, et en particulier les splendides iris bleus qu’elle avait plantés dans sa pelouse. Quatre d’entre eux étaient déjà sortis, et elle ne tarissait pas d’éloge sur leur beauté, tout en guettant, avec impatience, l’éclosion des autres.

              Cette année-là, pour une raison que j’ai toujours ignorée, on m’avait inscrite à l’école du Thier-à-Liège. Or, dans les petites écoles de campagne sévissait alors une charmante coutume : les élèves offraient des fleurs à la maîtresse. Chaque jour ou presque, un nouveau bouquet trônait sur son bureau. Et celui ou celle qui  l’avait apporté recevait un baiser devant toute la classe.

             J’enviais ces privilégiés, aux parents si compréhensifs. Moi, jamais Tantine ne m’aurait permis de dépouiller ses parterres...        

     Je résistai, oh, une semaine au moins ! Puis un matin, n’y tenant plus, j’arrachai subrepticement les quatre iris et, le cœur battant, en fis cadeau à la maîtresse. Celle-ci m’embrassa, comme prévu, et posa mon bouquet à la place d’honneur.

             Quand je rentrai, à midi, je trouvai Tantine dans tous ses états. Elle m’interrogea, comme elle l’avait fait pour mes grands cousins, mais je niai, bien sûr, être l’auteur du forfait.

             — Tu n’as pas vu quelqu’un rôder dans le jardin ? insista-t-elle. Un voisin, par exemple ?

             Non, non, je n’avais vu personne. D’ailleurs les voisins avaient des fleurs chez eux, pourquoi seraient-ils venus couper les nôtres ? 

             L’affaire en resta là jusqu’au dimanche suivant, à la sortie de la messe. Sur le parvis de l’église, la maîtresse accosta Tantine.

             — Merci pour les fleurs, lui dit-elle. Elles étaient magnifiques !

             Ma tante blémit.

             — Des iris ? articula-t-elle d’une voix rauque. C’est Anne qui vous les a donnés ?

             Mais elle connaissait déjà la réponse.

    « ZOÉ BORBORYGMEC'est pas chouette, ça ? ( à écouter, je veux dire) »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 24 Mai 2012 à 08:09
    Benoît Barvin
    Je suis un peu déçu... Pas de description, comme dans "Un bon petit diable" de la gentille Comtesse, de sévices pour ce geste coupable. Pas de fessée, de mise au coin sans manger ou, pourquoi pas, de ballade dans le village, cul nu, avec une pancarte autour du cou où il aurait été marqué: "je suis une voleuse"... Non, décidément, il manque quelque chose à la fin du texte...
    2
    Jeudi 24 Mai 2012 à 14:01
    Tororo
    Ah mais la tantine qui a le cœur brisé, et le remords qui hante la petite fille jusqu'à son dernier souffle, c'est encore plus cruel comme conclusion (je pense).
    3
    Vendredi 25 Mai 2012 à 00:32
    Castor tillon
    "Il vaut mieux VOLER des fleurs pour obtenir un bisou que DONNER le change et prendre une tarte" (Les proverbes débiles du Castor, 2-VI).
    C'est à la messe que tout se règle, hein. On est toujours emmerdés par cette fichue religion, en fin de compte.
    4
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    Oh, l'autre ! Il voit des fouets partout ! tantine n'était pas le genre à frapper... Le pire qu'elle m'ait fait, c'est de m'envoyer dans ma chambre. Non mais !
    5
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    Ho, les mecs, vous êtres trop romanesques, je trouve !
    6
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    Oui, mais qui vole une fleur vole un tracteur, c'est bien connu ! Et vomir à la messe vous met l'anus en liesse. Mets-toi cinq minutes à la place de ma tante, tout ça l'a fait flipper, forcément !
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