• grands moments de solitude 149 (tome 2)

     

                                          Prince des caresses

     

           Je me disais : « Revivre une histoire d’amour à ton âge, faut pas rêver, ma grande ! Tu n’es ni jeune, ni belle, la vie t’est passée dessus au rouleau compresseur ; y a pas un mec normal qui va avoir envie de prendre une balayette pour ramasser tout ça ! »

             Je me disais : « Un mec normal, certes, mais un prince charmant, hein ? Ça se rencontre, à soixante ans, un prince charmant ? C’est encore supportable ? C’est encore consommable ? Ça dit encore des mots d’amour ? C’est encore capable de quitter son fauteuil pour vous emmener sur son cheval blanc ? »

             Je me disais : « Déjà qu’à l’andropause, tant d’hommes sont aigris et tyrannisent leurs femmes pour se prouver qu’ils existent — ou alors, ils picolent, jouent aux cartes, s’excitent devant les matchs de foot à la télé… Tu te vois vieillir avec un tyran domestique, un ivrogne, un maniaque du poker, un supporter du PSG ? Franchement ? »

             Je me disais : « Mieux vaut terminer seule que mal accompagnée ». Je me disais : « Y a que les gigolos qui s’intéressent aux vieilles ; ou alors, les pervers ». Et, tout en gribouillant des portraits robots de l’homme idéal, je me répétais : « Quand donc cesseras-tu de croire au Père Noël, ma pauvre fille  ? Sur ton lit de mort ? »

             Et puis un jour, Michel est entré dans ma vie. Il était tendre, drôle, amoureux. Il n’avait pas de ventre, pas de barbe blanche, mais un sourire craquant sur des petites dents de castor, et une grosse moto. Il préférait les peluches aux cartes, les fraises Tagada au pinard, le yoga au foot ; il bouquinait de la SF des années trente et discutait avec les chiens et les insectes (quand il ne murmurait pas à l’oreille des chevaux).

             J’ai déchiré tous mes portraits-robots car aucun d’eux ne lui correspondait, et je me suis fourrée entre ses bras en pensant : « Yessss ! ».

             La nuit qui suivit fut éblouissante ; l’une de ces nuits qui vous marque à jamais, et à laquelle on repense encore vingt ans après, la langue pendante et le bas-ventre houleux. Si toutes mes nuits futures étaient de cet acabit, je pouvais me remettre à croire en l’avenir.

             Ce que je fis, avec passion.

             C’est au réveil de cet enchantement que sont apparus les premiers signes de mon cancer.

     

    Cette histoire est racontée en long, en large et en travers dans mon roman « Le Bel été » (éditions du Nombril)

    GuduleCastorPieds

     

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Vendredi 30 Octobre 2015 à 11:40
    <3 <3 <3 <3
    2
    Vendredi 30 Octobre 2015 à 11:51

    N'est-ce pas, ma Yun.

    Cette petite bonne femme pleine d'amour m'a ensorcelé

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    3
    Pata
    Mardi 3 Novembre 2015 à 11:04

    ♥ Et votre histoire fait ressusciter les contes de fées :)

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