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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 149
L’exorciste
Qui avait fourré dans la tête de ma mère, bigote notoire, que j’étais peut-être possédée par le démon ? L’une de ses sœurs, aussi bigote qu’elle ? Une voisine ? Le curé ? Toujours est-il que l’idée la travaillait.
— Cette enfant est insupportable, se morfondait-elle à tout bout de champ. Elle désobéit, elle ment, elle répond...
Et d’énumérer mes tares une à une : j’étais impertinente, désordonnée, raisonneuse ; je piquais des sous dans son porte-monnaie ; je ne voulais pas manger ma viande ; je me disputais avec mon frère...
— Ce n’est pas normal, concluait-elle. Il faut la faire exorciser !
J’ignorais le sens exact de cette menace, mais elle m’épouvantait. L’exorcisme devait être une chose abominable, une sorte de supplice inquisitorial comparable aux peintures du musée du Cinquantenaire, section Moyen-Âge. On y voyait, sur des retables, les tortures infligées aux suppôts de Satan : la roue, l’écorchement, l’énucléation, les brûlure au fer rouge, l’embobinage d’intestin...
Bref, je vivais dans la terreur, avec cette menace suspendue, telle une épée de Damoclès, au-dessus de ma tête.
Par chance, ma marraine, qui terminait l’école Normale, incita maman à me faire plutôt passer des tests. L’une de ses amies venait d’obtenir son diplôme de psychologue et ne demanderait pas mieux que de lui rendre ce service. Si quelque chose clochait, elle l’en informerait et il serait toujours temps d’aviser.
Cette sage proposition recueillit tous les suffrages — sauf le mien, car la psy m’effrayait presque autant que le bourreau. Mais j’eus beau pleurer, supplier, promettre de devenir irréprochable, rien n’y fit. On me remit entre les griffes d’une jeune femme (au demeurant charmante) qui me posa des questions rigolotes, me fit faire de jolis dessins, des jeux, des bricolages, et au terme de la séance annonça à ma mère :
— Votre fille est parfaitement équilibrée, elle a juste trop d’imagination. Tout le mal vient de là, mais rassurez-vous, ça s’arrangera en grandissant.
Maman se contenta de cette explication, et le spectre de l’exorciste fut définitivement écarté. La science avait vaincu l’obscurantisme
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Commentaires
1Benoît BarvinMardi 22 Mai 2012 à 08:34Répondre
Mais bon, il est évident que ta mère n'aurait jamais fait ça, elle te menaçait pour que tu te tiennes tranquille.
Moi, quand ma fille se tenait tranquille, ça m'inquiétait plutôt.
Si elle lit ça, je suis mort.5Dina lVendredi 29 Août 2014 à 13:46
Cette histoire date d'il y a deux ans à peine, les mentalités n'ont pas tellement changées dans la religion. Dès que les parents ne comprennent pas une activité ou la passion de leur enfant, c'est forcement une affaire divine, mieux vaut ne pas en parler avec le concerné...6GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:46
@ Dina : on ne dira jamais assez les méfaits commis par les religions, TOUTES les religions. Où en serait l'humanité aujourd'hui si la science, les arts, la pensée, l'intelligence, la recherche n'avaient été freinés par ce fléau universel ?...7NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:46
Allez hop Gudule, cessez sur le champ d'utiliser votre cerveau, retournez à votre plumeau et vos fourneaux (n'oubliez pas la tenue de soubrette). Il faudra aussi que vous veillez à retirer à votre fille et vos petites filles leurs livres (et à les brûler dans un glorieux autodafé*)puisque ces objets destinés à stimuler l'imaginaire ne sont pas adaptés à un cerveau féminin.
* "A voix basse" Juliette.8GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:469GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4610NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:46
Vous ai-je déjà dit que votre mère s'entendrait à merveille avec ma grand-mère paternelle ?
PS : au cas où dans un élan de folie, vous voudriez suivre ce très mauvais conseil, je préconise des écoutes massives de http://www.youtube.com/watch?v=bXkaBHhbeuY et de http://www.youtube.com/watch?v=lPeYBPKxJSw11GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4612GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4613GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:46
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