• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 148

    daniel emilfork Daniel Emilfork

     En 1983, j’animais, sur Radio Libertaire, une émission intitulée « Le passe-temps des dames et des demoiselles » — titre piqué à la RTF des années cinquante, et, bien sûr, détourné de sa formule originale. Les thèmes abordés étaient rarement convenables, les invités fort peu conventionnels. On y parlait de cinéma X, de BD érotique, de fétichisme, de gaytude, de transsexualité... Bref, de tout ce qui, en ces temps reculés, était encore tabou, ou, du moins, transgressif. 

    Le studio se trouvait sur la bute Montmartre.

     En m’y rendant, ce jour-là, j’étais très embêtée. Qu’allais-je bien pouvoir raconter à mes auditeurs ? Jean Rollin, mon invité, s’était décommandé à la dernière minute, et je n’avais pas prévu de sujet de secours.

    Perdue dans mes pensées, je monte les escaliers longeant le funiculaire quand, subitement, je me retrouve nez à nez avec Daniel Emilfork — le fabuleux Dubois du Casanova de Fellini, oui, lui-même en personne. L’Hendrik de Pirates. L’épouvantable Krank de La Cité des Enfants Perdus...

    Quel choc !

    En un éclair, je réalise que le destin vient de mettre sur ma route l’invité idéal. Vais-je laisser passer cette aubaine ? Allez, Gudule, de l’audace ! Propose-lui une interview en direct !

    Je prends mon courage à deux mains, j’ouvre la bouche... et me contente de sourire bêtement. Sourire que Daniel Emilfork me rend au centuple. Puis il passe son chemin, moi le mien. Nous nous retournons au même moment ; re-sourire mutuel mais toujours sans paroles. Si je m’écoutais, je me mordrais.

    Furieuse contre moi-même, je parviens au studio, et sur le seuil, croise l’animateur de l’émission précédente, un grand blond que je ne connais que de vue.

     — J’ai rien préparé, lui soufflai-je, en panique. Tu ne veux pas me filer un coup de main ?

    Par chance, outre ses activités bénévoles à la radio, il est régisseur au théâtre de dix heures. Et les coulisses du Pigalle nocturne sont pleines d’anecdotes croustillantes... Nous improvisons donc une sympathique émission, au terme de laquelle on va boire un coup au bistrot du coin.

    Mon sauveur s’appelle Sylvain. Ce sera notre tout premier tête-à-tête. 

     

    « ZOÉ BORBORYGMEZOÉ BORBORYGME »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 20 Mai 2012 à 08:17
    Benoît Barvin
    Oh que c'est mignon de chez mignon... Cette belle rencontre sous l'égide de Daniel Emilfork, l'adorable monstre de Frankenstein qui nous a tous fait frissonner... La bonne étoile se cache donc dans le sourire discret des êtres différents qui ne passent, sur Terre, que pour nous aider à y voir plus clair... J'avais déjà de la tendresse pour Daniel, maintenant j'écraserai une larme en le voyant sur l'écran...
    2
    Dimanche 20 Mai 2012 à 09:08
    Tororo
    Daniel Emilfork doit en sourire encore.
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    3
    Lundi 21 Mai 2012 à 05:22
    Castor tillon
    Ce genre de foirade m'est déjà arrivé, c'est vrai qu'on se mettrait des baffes. Mais bon, ça a été un grand bonheur pour toi, puisque... je t'épargne le jeu de mots débile sur "Sylvain étiré, il faut le voir", passe que je vais me faire engueuler.
    Daniel Emilfork, j'ai adoré dans "la cité des enfants perdus", d'autant plus que Caro et Jeunet faisaient des gros plans avec déformation géométrique sur sa truffe ! Comme quoi on n'a pas besoin d'être beau comme un dieu pour faire une magnifique carrière au cinéma.
    4
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    J'adore vos commentaires ! Je ne trouve même pas de connerie à y répondre tellement ils me touchent !
    5
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    Tu l'as dit, bout filtre (pardon, Goscinny) ! Ce film, qui n'a pas eu, hélas, le succès mérité, était magistral. Mais je garde, personnellement, un souvenir plus ému de Daniel Emilfork en marquis sautillant, déguisé en mante religieuse et dévorant un athlète-papillon en chantant "Ah, l'amor, l'amor...". Le Casanova de Fellini a longtemps été mon film culte...
    6
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Odomar
    Ah, les hasards de la vie ! Aujourd'hui, tu pourrais être la veuve de Daniel Emilfork (à supposer que tu aies réussi à le métamorphoser). Et Sylvain serait resté avec Sylvette dans sa chaumière.
    7
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Gudule
    Sans le vouloir, tu es presque tombé juste : Sylvain faisait une émission sur la BD avec un comédien bédéphile du nom de Sylvestre. Et donc, tatatam, Sylvain et Sylvestre présentaient "By jove", ce qui amusait beaucoup les auditeurs !
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :