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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 145
Cauchemar
Après deux ans de supplications, j’eus finalement gain de cause. Maman renonça à faire de moi une pianiste.
— Tu le regretteras, me prévint-elle néanmoins, mais il sera trop tard. Par sottise, tu es en train de compromettre un brillant avenir !
Elle se trompait. Non seulement je n’eus jamais de regret, mais cette expérience déclencha chez moi une véritable allergie pour la musique, qui ne prit fin qu’à l’âge adulte (et encore).
Bref, c’est avec allégresse que je dis adieu à madame Paula, puis refermai l’Erard pour ne plus le rouvrir. Ainsi retrouvai-je ma joie de vivre — et la douce paresse des jours de congé.
Plus de notes ! Plus de gamme ! Plus d’arpège ! Quelle délivrance... Je m’empressai d’oublier tout ce qu’on m’avait appris, au point d’être incapable de déchiffrer une portée ou de tracer correctement une clé de sol.
Quelques mois passèrent, et je rentrai en quatrième primaire (l’équivalent du CM2).
— Désormais, annonça la maîtresse, vous aurez chaque semaine une heure de solfège.
À ces mots, j’éprouvai comme un vertige. Un sentiment de malédiction, d’horreur totale, m’anéantit. Le cauchemar recommençait...
J’éclatai en sanglots devant toute la classe.
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Commentaires
1Benoît BarvinMardi 15 Mai 2012 à 08:25Répondre
Pourtant, je comprends la phobie : je joue des ragtimes assez ardus et des morceaux de Dadi à la gratte grâce aux tablatures, mais je n'ai jamais pu encaisser le solfège. J'ai même acheté "le solfège pour les nuls" : il gît dans un endroit de ma baraque que j'ai complètement occulté, et a dû devenir "je nourris les souris pour les nuls".3guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:464guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:465OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:466guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:46
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