• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 143

    La leçon de piano

      À la mort de mon oncle Henri, grand musicien devant l’Eternel, sa veuve offrit à mes parents l’instrument favori du maître. Un Erard, s’il vous plaît. La Rolls des pianos à queue. Avec, cependant, une obligation : qu’il « revive » sous mes doigts, vu que j’étais la benjamine de la famille, et la seule susceptible d’apprendre à m’en servir.

             Maman s’engagea solennellement à faire de moi une virtuose. 

             Fidèle à ce devoir sacré, elle m’inscrivit, à sept ans, dans une école de solfège, et l’année suivante, aux cours privés de madame Paula. Tout ça, bien entendu, sans me demander mon avis.

             Or, non seulement cet exercice ne me procurait aucun plaisir, mais il me privait de mes jours de congé. Le jeudi après-midi, le samedi, le dimanche, au lieu de m’amuser avec mes copines, j’étais tenue de faire des gammes. Et comme j’y mettais de la mauvaise volonté, papa, promu garde chiourme, restait auprès de moi pour me rappeler à l’ordre dès que j’arrêtais de jouer.

             L’ai-je assez détesté, ce foutu piano ! Ma croix, ma galère, mon engin de torture... 

             Un jour, bien décidée à le mettre hors d’usage, j’entrai à pas de loup dans le salon où il trônait à la place d’honneur. Et d’un doigt sans pitié, je fis sauter les petits rectangles d’ivoire qui recouvraient les touches. Puis je m’éclipsai sur la pointe des pieds, le cœur en liesse.

             Je vous laisse imaginer la réaction de mes parents devant ce sacrilège — dont, contre toute vraisemblance, je niai farouchement être l’auteur. On vida ma tirelire pour payer (une partie de) la réparation, et désormais, en dehors des leçons, le couvercle du piano resta fermé à clé. 

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  • Commentaires

    1
    Samedi 12 Mai 2012 à 07:40
    Benoît Barvin
    Ah... Jouer un prélude de Bach, du Chopin, faire d'interminables gammes... j'ai connu ça, moi aussi, mais sur un orgue "Hammond" (Dame, en Afrique, les pianos, ça courait pas les rues)... La dame qui nous donnait cours avait de gros... heu... de gros... enfin, vous voyez, hélas, Chère Soeur, ce qu'elle avait de gros, et exposés sous mes petits yeux innocents, moi qui, quand même, frôlait les 12 ans légèrement virilisés. Je n'ai jamais fait de progrès et, après une année, j'ai abandonné le piano - chez elle - et l'orgue - ainsi que certains rêves diaboliques - chez moi...
    2
    Samedi 12 Mai 2012 à 08:34
    Benoît Barvin
    Merci beaucoup, Chère Soeur, pour cette explication scientifique qui me sied à ravir...
    3
    Samedi 12 Mai 2012 à 23:12
    Castor tillon
    Des politiciens couillus du genre, il en existe plus que tu crois. J'en compte au moins deux espèces : ceux qui se font gauler, et les autres.
    En ce qui concerne les trav... loisirs forcés, j'en ai trop vu, de ces petites contraintes par leurs mères d'étudier le piano, la danse, le yoga, ou les trois en même temps. Pas de temps mort !
    C'était très courageux, l'attentat du piano avec dommages collatéraux, je te décerne la Crux Castoridae en bouleau argenté.
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    gudule
    Sachez, cher frère, que les professeures de piano sont d'ordinaires mamelliformes ; c'était le cas également de cette chère madame Paula. A force de se pencher sur leurs élèves, elles finissent par leur frôler la nuque du sein, et comme la fonction crée l'organe, ces seins se développent à outrance. Vou fûtes, en votre jeunesse, l'heureuse victime de cette curiosité physiologique.
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    gudule
    De rien. Nous avons l'équivalent mâle du phénomène en la personne de nos politiciens couillus — bien que l'espèce, relativement rare, soit aujourd'hui en voie de disparition. Lors de la dernière campagne, je n'en ai dénombré qu'un seul. Quel est-il, à votre avis ?
    6
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Odomar
    Eva Joly ?
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    gudule
    Euh...
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    8
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    Odomar
    D'toutes façons, je ne parle pas à celles qui écrivent "professeures". Vade retro, Satanas !
    9
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:46
    gudule
    Nous dirons donc "professeuses", et tant pis pour les esprits chagrins qui y verraient une quelconque allusion érotique.
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