• grands moments de solitude 138 (tome 2)

                                                                              La vie à reculons

                                         

     

             Ce n’est pas par hasard qu’un auteur aborde un thème douloureux, dans un livre. C’est souvent parce qu’il se sent directement concerné, à travers son propre vécu ou celui d’un de ses proches. Le SIDA m’a interpellée, dès le début des années 80, en la personne de mon meilleur ami, catalogué séropositif à une époque où le VIH était encore très peu connu. Les rumeurs les plus fantaisistes couraient sur le mode de transmission du virus, ses remèdes et ses effets. On pensait que boire dans le même verre qu’un séropositif — ou même lui serrer la main, l’embrasser, lui parler de trop près, etc —  étaient des facteurs de contamination. Mon ami, qui se nommait Alain, a vu, de la sorte, ses copains, ses collègues de travail, ses voisins, le fuir « comme la peste ». M’étant personnellement renseignée auprès d’un médecin spécialisé des risques qu’il nous faisait encourir, à moi, mon mari et surtout notre fille de dix ans, j’ai décidé d’écrire un livre pour dénoncer les idées fausses qui stigmatisaient cette maladie, et provoquaient l’exclusion de ceux qui en étaient atteints. Par l’intermédiaire du médecin que j’avais consulté, j’ai fait la connaissance d’un garçon de 15 ans, prénommé Ludo, qui m’a raconté sa déplorable expérience d’élève séropositif en milieu scolaire. J’ai repris certaines de ses confidences dans mon livre (l’épisode de la piscine, entre autres).

             À l’époque où j’ai écrit  La vie à reculons , Mélanie venait d’entrer en quatrième. Après en avoir discuté avec elle, j’ai décidé de situer l’histoire dans sa classe. J’ai donc pris quelques-uns de ses copains comme personnages. Thomas, en revanche, a été créé de toute pièce, mais certaines de ses réactions se rapprochent de celles de Ludo. Elsa, quant à elle, est une jeune fille que je croisais chaque matin sur le quai du métro, en allant au travail. Je ne lui ai jamais parlé. Elle ignorera toujours que j’ai « capturé » son image pour la mettre dans mon roman. Le décor aussi est authentique : c’est le quartier périphérique de Paris où nous vivions, à cette époque. C’est sans doute en partie grâce à ça que  La vie à reculons  est en prise sur le réel. J’y décris des événements qui, bien qu’étant de la pure fiction, se rapprochent de la « chronique de vie ». (Je vous rassure tout de suite : les voyous, eux, sont complètement imaginaires !)

             J’ajouterais que les ados qui m’ont servi de modèles étaient très excités, pendant la rédaction du livre. Ils se demandaient de quelle manière j’allais les mettre en scène. Lorsque le roman est paru, je leur en ai offert un exemplaire à chacun. La plupart d’entre eux se sont sentis flattés, ou, en tout cas, se sont reconnus. La seule à protester fut ma fille, qui n’aimait pas la Mélanie malveillante qu’elle incarnait. Je lui ai expliqué qu’il s’agissait d’un rôle, comme celui joué par n’importe quel acteur, et pour la consoler, j’en ai fait l’héroïne de mon roman suivant,  L’envers du décor , où elle incarne Ohoo, une fille super-sympa.

     

             Aujourd’hui,  La vie à reculons a vieilli. On a fait de grands progrès au niveau de l’information, et il existe des remèdes contre le SIDA. Avec le recul, les réactions hostiles de l’entourage de Thomas semblent excessives, et c’est tant mieux. Ça signifie que, à ce point de vue du moins, notre société a évolué dans le bon sens.

             Quant à Alain, qui est à l’origine du livre, bien que sous trithérapie depuis plus de vingt ans, il se porte comme un charme. Et j’ai régulièrement des nouvelles de Ludo par sa mère. Il vit aujourd’hui à la Martinique, est marié, et a adopté trois enfants.

     

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Lundi 27 Octobre 2014 à 23:46

    M'dame Gudule est formidable. Rien d'autre à dire !

    2
    Mardi 28 Octobre 2014 à 00:29

    Gudule, c'est de l'art en bord, je veux dire de l'or en barre.

    3
    Yunette
    Mardi 28 Octobre 2014 à 00:33

    Même de l'art en barre, hein ! Chanceux, va ! :) (tous les deux, j'entends !)

    4
    Mardi 28 Octobre 2014 à 08:54

    Du lard en bure ? C'est vrai que j'ai grossi et que je cache mes formes sous une grande robe à capuche !

     

    5
    Pierre-Yves Delarue
    Mardi 28 Octobre 2014 à 10:20

    Je me souviens des tout débuts du SIDA.

    Je me souviens de tout ce que tu décris si bien (la peur de la contamination).

    Je me souviens que sur une radio libre Gay on racontait au contraire que le SIDA était une invention antigay.

    Je me souviens qu'un jour, à la table familiale, mon frère, marié, 2 enfants, avait annoncé qu'il avait le SIDA.

    Je me souviens qu'il est mort après avoir essayé tous les traitements possibles, même à New-York.

    Je me souviens que son ami est mort également, un an après.

    Mais bon, je ne suis ni PEREC, ni GUDULE, alors, j'arrête !

     

     

     

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    6
    Mardi 28 Octobre 2014 à 11:09

    terrible époque, Pierre-Yves et qui doit te laisser de douloureuses cicatrices. je me souviens aussi du décès de ton frère... Tendresse à toi et MARIE - Do

    7
    Mardi 24 Mars 2015 à 20:09

    Décidément, je suis souvent d'accord avec ce que dis Yunette !

    "La vie à reculons", je l'avais adoré... Il me semble que c'est le livre qui m'a fait te connaitre aussi ^^

     

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