• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 128

    Ambition, piège à cons

      Lors d’un voyage en Italie, mon frère aîné avait acheté une poupée de rêve. Une Indienne au teint basané, aux yeux noirs, et parée d’une coiffe en vraies plumes d’oiseaux. Je bavais d’envie devant cette merveille qui, d’ailleurs, m’était destinée.

             — Ce sera ta récompense si tu es première de classe, décréta maman

             À sept ans, j’étais plutôt bonne élève. Mais si la lecture et l’écriture n’avaient plus de secrets pour moi, j’étais, en revanche, totalement dépourvue d’ambition. L’intérêt de la « course aux honneurs » m’échappait — comme il m’a, d’ailleurs, toujours échappé. J’aimais apprendre, mais pour ma propre satisfaction, pas pour être la meilleure. Bref, je n’avais aucun goût pour la compétition.

             Je terminai quatrième, avec une moyenne de 95%. Et crotte ! La poupée allait me passer sous le nez.

             La place était inscrite au crayon, dans le coin supérieur droit du bulletin. De retour à la maison, je n’eus rien de plus pressé que de gommer le 4 pour le remplacer par un 1, un peu maladroit, certes, mais mes parents ne s’y attardèrent pas. Quand je leur annonçait, triomphante : « Je suis première », ils me crurent sur parole. Je n’oublierai jamais ma joie, en serrant sur mon cœur la belle poupée indienne...

             Mon bulletin passa de main en main, jusqu’à ce qu’un de mes frères remarque perfidement :

             — Elle a vraiment une drôle d’écriture, cette maîtresse !

             Dans les minutes qui suivirent — est-il besoin de le préciser ? — mon subterfuge fut éventé. J’eus beau pleurer toutes les larmes de mon corps, ma poupée regagna sa boîte, et la boîte le placard maternel. Je ne me souviens plus en quelles circonstances je l’ai récupérée, quelques longs mois plus tard, mais ma détresse lorsqu’on me l’arracha, je ne l’oublierai jamais !   


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  • Commentaires

    1
    Mardi 24 Avril 2012 à 07:50
    Benoît Barvin
    Je comprends mieux, maintenant, ces "petites filles aux yeux morts" que tu aimes bien mettre en avant. C'est l'image de ta poupée qui, quelques minutes, a été tienne mais qu'on t'a arraché, stigmatisant ainsi l'horrible mensonge qui... heu, docteur Freud, si vous pouviez la fermer, ça serait plus agréable... Jolie historiette d'enfance, en tout cas.
    2
    Mardi 24 Avril 2012 à 16:02
    Benoît Barvin
    Noooonnnn... Tu crois? Quand on aime, on en fait toujours un peu trop...
    3
    Mercredi 25 Avril 2012 à 03:48
    Castor tillon
    Ça c'est dur. C'est placer la barre bien haut pour une gamine de sept ans, surtout qu'à l'origine, ce n'était pas une récompense, mais un cadeau. Si en plus les frangins passent à l'ennemi... Je suppose que tu l'as récupérée par la suite avec un faux mieux réussi.
    Quand j'étais môme, j'allais voir des westerns, les Indiens étaient mes frères et les Indiennes mes héroïnes, je les trouvais magnifiques. Dans ces films de John Ford, les natifs se faisaient botter le cul à chaque fois, et ça me révoltait.
    4
    Dimanche 29 Avril 2012 à 11:40
    Martine27
    Transformer un cadeau en récompense, j'ai vraiment du mal à le comprendre. Les critères de mes parents étaient un peu plus larges, dans les 3 premières un film de Disney (à l'époque les films c'était quelque chose) et de 4 à 7 une poupée de Peynet
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Euh... t'en fais pas un peu trop, des fois ?
    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Point de déclarations publiques entre nous, cher ami. N'oublie pas que tu t'adresses à une mère supérieure ! Mais bon, dans l'absolu, tu as raison : on n'en fait jamais trop. Tu as donc mon absolution urbi et orbi !
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Moi aussi, j'étais folle des Indiens. Comme de toutes les minorités opprimées, d'ailleurs. Je détestais les cow-boys, principalement ceux mis en scène par John Ford, et ayant la trombine réac de John Wayne. Je crois que ça n'a pas changé depuis...
    8
    Nadège
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    Nadège
    J'ai lu cette histoire à ma mère (qui est de votre génération) : "Mes grand-parents m'auraient punie pour le mensonge mais sans me reprendre la poupée".

    Et mon arrière-grand-mère était intransigeante sur le vol et le mensonge.
    9
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    J'imagine que ta grand-mère a à peu près mon âge. Comme quoi, à la même époque, les méthodes éducatives différaient. On était en Belgique, en plus. Dans une famille très catholique...
    10
    Nadege
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    Nadege
    La partie entre guillemets est un commentaire de ma mère.

    Si vous aviez l'age de mes grand-mères, vous auriez eu votre fille Mélanie à 48 ou 51 ans :D
    11
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Ah oui, bon. J'ai une curieuse tendance à me vieillir... Docteur Freud ?
    12
    Nadege
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    Nadege
    Hé bien vieillissez vous, comme cela, les gens vous dirons combien vous paraissez jeune :)
    13
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    C'est une idée... mais est-elle réellement flatteuse ?
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    14
    Nadege
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    Nadege
    Si vous n'avez pas changé depuis 2009, je dirais que oui puisque pour moi vous faites déjà plus jeune que votre âge.
    15
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Merci, Nadège !
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