• grands moments de solitude 127 (tome 2)

                                                                 Money, money, money

     

           Cette année-là, pour une raison dont la logique m’échappe, une mode vit le jour dans les bars parisiens : celle des portes à monnayeur. La chose était d’autant moins acceptable que les toilettes, obligatoires dans ce secteur d’activité, s’inscrivent dans un processus d’absorption-déjection physiologiquement imparable. « Quand t’as bien bu, faut  pisser dru », dit le proverbe. Or, le fait de devoir sortir son porte-monnaie, chercher la pièce ad hoc, l’introduire dans la fente (qui, une fois sur deux était bouchée au chewing-gum) et enclencher le mécanisme d’ouverture, freinait outrageusement cet enchaînement parfait. Résultat : soit les consommateurs se soulageaient dans la rue, et l’on pouvait voir, le long des façades, une succession de traînées verticales, au parallélisme approximatif mais bien viril ; soit ils utilisaient le malheureux  lavabo qui n’en demandait pas tant. De plus, on se heurtait ici à une nouvelle problématique —  discriminatoire, cette fois : les filles, hein, elles faisaient comment ? *

             Elles descendaient en bande pour se tenir mutuellement la porte ? Elles la bloquaient avec du P.Q. ? Elles dézinguaient le monnayeur à coups de talons ? Elles urinaient dans leur culotte et exposaient celle-ci  au vu et au su de tous, histoire de manifester leur désapprobation ?

             Ce fut, durant quelques mois, une surenchère de vengeances rigolotes. Le sentiment d’être pris pour des cons stimulait l’imagination de ceux qui, ayant  déjà payé pour s’emplir la vessie, devaient ensuite payer pour la vider. Au point de générer un nouveau rituel, dans notre petit groupe de soiffards invétérés : la visites des gogues avant toute commande. Certains photographiaient ces hauts-lieux de représailles, d’autres prenaient des notes ou faisaient des croquis ;  d’autres encore les classaient façon guide Michelin, par nombre d’étoiles ou d’étrons. Et tout cela s’acheva sur un « appel au peuple » signé de votre servante dans les pages du Psikopat. Tout boycotteur de porte à monnayeur était invité à contacter la rédaction pour narrer ses exploits. Les plus drôles gagnaient un abonnement gratuit et bénéficiaient d’une publication, illustrée par un de nos dessinateurs.

             Cette initiative fit monter les ventes et baisser le tarif des consommations. Puis les troquetiers, las des déprédations dont leurs sanitaires étaient le théâtre , déclarèrent forfait. Et nous pûmes désormais crier d’une voix martiale : «  VIVE LES CHIOTTES LIBRES ! »

            

        * (voir chapitre 162 du présent recueil)

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 16 Octobre 2014 à 17:42

    Fichtre !


    Me suis poilée.


    Et maintenant j'ai mal, je suis malade, que diable !

    2
    Jeudi 16 Octobre 2014 à 21:27

    mais-euuu ! c'est bien de se poiler quand on est malade ; le rire est le meilleur remède contre toutes les merdes de l'existence !

    3
    Vendredi 17 Octobre 2014 à 01:01

    En fait, l'idée en est venue à Paul, un bistrotier que sa dame pipi plantait sans arrêt. Il descendait aux toilettes, et on l'entendait vociférer :

    — où est encore passée Simone, merde ! Elle n'est jamais à son poste !

    Elle était partie se faire friser, ou elle était là-bas, ou bien ailleurs. Un jour, il en eut marre de voir Simone ailleurs... Simone ailleurs ?! Si monnayeur, plus besoin de dame pipi ! Et il l'envoya ch... chez Plumeau chercher des balais.

    Moralité : Quand ça fait chier de faire pisser, Paul en ploie.

                                                            oh

    4
    Vendredi 17 Octobre 2014 à 08:56

    et c'est depuis ce temps qu'Ulysse, le bistrotier d'à côté, s'est recyclé dans la culture du poil qu'il vend (très cher d'ailleurs).Moralité : quand la pisse lasse Ulysse, poils en pots.

    5
    Vendredi 17 Octobre 2014 à 11:46

    Ma Gudule, je reste quoi ? Je veux dire coi. Le poils en pots, c'est du contrepet qui pète, ça.

    Ça m'a scié.

    6
    Samedi 21 Février 2015 à 20:42

    Des urines qui ruinent !

    7
    Samedi 21 Février 2015 à 21:46

    Pata, c'est un âne à gramme, ça. Urine et ruine, je veux-je dire.

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