• grands moments de solitude 126 (tome2)

                                                                                  La clé 

            

             J’avais un couple d’amis très proches (appelons-les Muriel et Jean-Mi) qui, un jour, divorcèrent ; rien là de bien original, me direz-vous. Certes, mais ce qui l’est plus, c’est le rôle que, malgré moi, je fus amenée à jouer dans leur séparation. Un rôle peu reluisant, j’en conviens, et dont le souvenir me poursuivra longtemps.

             Ayant, sur les conseils d’un avocat, interdit à son ex l’accès de leur maison, Muriel, partie en week-end chez des amis, m’en confia la clé, avec mission de n’ouvrir à personne, et surtout pas au principal intéressé. Or, c’est justement lui qui, quelques heures plus tard, vint sonner à ma porte, pour me demander :

             — Tu peux m’accompagner chez moi ?  J’ai besoin des outils qui sont dans mon garage.

             Who, bordel, la tuile ! J’avale ma salive, respire un grand coup, et réponds d’une voix quasiment inaudible :

             — Ben, je… euh… j’ai pas le droit… J’ai promis à Muriel…

             Ce regard qu’il me lance !

             —Tu n’as qu’à me surveiller pour t’assurer que je ne « vole » rien, puisque c’est de ça qu’on me soupçonne !

             Tandis que je piétine sur le seuil, Jean-Mi, s’introduit dans ce qui fut son foyer, en prenant soin de rester dans mon angle de vue  (ce qui me met aussi mal à l’aise que si j’avais chié dans mon froc), puis, brusquement, il explose :       

             — Ça ne te débecte pas de jouer les gardes-chiourmes ?

             Bien sûr que ça me débecte  ! À tel point que je rétorque aussi sec :

             — Garde-les tes putains de clés, moi, je me tire ! Tu n’auras qu’à les rendre à Muriel. Je ne veux plus rien avoir à faire dans vos histoires !

             Face à ma propre lâcheté, les larmes me montent aux yeux.

             — Allez, viens, je t’offre un coup à boire, s’écrie Jean-Mi, saisi de remords.

             Une heure et quatre Pelforth’s plus tard, nous sommes toujours à la terrasse du Roc café. C’est là que Muriel, après m’avoir cherchée dans tout le village, finit par nous rejoindre.

             — Ma clé, réclame-t-elle en me tendant la main.

             Alors, moi, vengeresse :

             — Je l’ai rendue à Jean-Mi. Maintenant, foutez-moi la paix et démerdez-vous ensemble !

             C’est ce qu’ils ont fait, je suppose, car, à la nuit tombée, on les a vus rentrer chez « eux » bras-dessus, bras-dessous, en se soutenant l’un l’autre pour ne pas tituber. Et le lendemain matin, en proie à une gueule de bois carabinée, ils vomissaient en chœur sur le pas de la porte.

     

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Mercredi 15 Octobre 2014 à 18:00

    Pousse une gueulante, fais une BA ! :)

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    2
    Mercredi 15 Octobre 2014 à 18:14

    ben... euh... c'est un peu ce que j'ai fait...

    3
    Yunette
    Mercredi 15 Octobre 2014 à 19:12

    Bah ouais, je trouvais que ce nouvel adage t'allait bien :)

    4
    Mercredi 15 Octobre 2014 à 19:22

    La gueulante ou la B.A, comme adage ?

    5
    Yunette
    Mercredi 15 Octobre 2014 à 19:28

    Le doublé ! "Pousse une gueulante, fais une BA !"

    6
    Mercredi 15 Octobre 2014 à 23:44

    J'ai moi-même fait le fusible dans une affaire de ce genre. Je me suis mis les deux à dos. Plus jamais ça.

    7
    Jeudi 16 Octobre 2014 à 08:08

    nous, on est restés amis. Mais va savoir, après, cette Solitude...

    8
    Samedi 21 Février 2015 à 20:38

    Hé, hé, une clef qui aura ouvert des portes !

     

    Oui, effectivement, rien là que de très normal !

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