-
grands moments de solitude 122 (tome 2)
Marie-Bise
Dans la bande de copains, on la surnommait Marie-Bise, ce qui lui allait comme un gant. Primo, parce que son vrai nom était Marie-Lise ; secundo, parce qu’elle débordait de tendresse et ne ratait pas une occasion de l’exprimer ; tertio, parce que ça rimait avec strip-tease.
Or, le strip-tease, c’était son truc, à Marie-Bise.
Faut dire, au niveau traits, elle n’était pas gâtée. En revanche, son petit corps d’une grâce délicate faisait tourner toutes les têtes. Pourquoi ne l’aurait-elle pas montré ?
Ce soir-là, nous étions une dizaine à dîner à sa table quand elle nous annonça :
— Aujourd’hui, comme dessert, je vous offre un effeuillage.
Un tonnerre d’applaudissements salua la bonne nouvelle, et tandis que notre hôtesse gagnait la salle de bains, quelques-uns d’entre nous s’occupèrent de la sono, d’autres de l’éclairage ou encore du décor. Bref, lorsqu’elle descendit, maquillée, parfumée et moulée dans un fourreau de soie noire, tout était prêt pour le spectacle : musique douce, bouquets de fleurs disséminés un peu partout, lumières tamisées et j’en passe....
Ce fut un festival de sensualité. Enfin… durant cinq minutes, environ. Jusqu’à ce qu’éclatent les premiers rires, en fait. Jusqu’à ce que le fourreau, en glissant sur le sol, révèle non seulement des dessous arachnéens et une chair nacrée aux déhanchements lascifs, mais également une bonne grosse paire de charentaises — que, dans sa précipitation, Marie-Bise avait oublié de retirer.
P.S. Cette anecdote me rappelle au passage l’aberrante « correction » apportée par Balzac et Littré au Cendrillon de Charles Perrault qui (la version d’origine en atteste) parlait bien d’une pantoufle de verre, et non de vair (c’est-à dire de fourrure grise, ce qui bousille carrément la symbolique du conte).
Comme quoi, on peut être un génie littéraire, et ne pas avoir plus de jugeote qu’une strip-teaseuse !
-
Commentaires
oui, j'ai la chance de posséder l'édition originale, et c'est bien spécifié, alors qu'un tas de gens se croient très malins en répétant la connerie de littré et balzac (l'origine de cette aberration est bien expliquée sur wikipédia, d'ailleurs). il s'agit bien entendu de corrections arbitraires comme tous les auteurs en subissent sans cesse. Finalement, le seul qui ait respecté le texte de Perrault, c'est walt disney (un comble, non ? )
en fait, c'est pantoufle de cristal qu'il aurait fallu écrire : http://fr.wiktionary.org/wiki/vair
4YunetteSamedi 11 Octobre 2014 à 22:42J'avoue que ça me tue, sur ce coup... comme quoi, hein, parfois on se croit intelligent en balançant des choses, et vaudrait mieux écouter Disney...
ça craint :D
Bon, je préfère écouter Gudule, en fait :pregarde, Yunette, ici, c'est encore plus clair : en fait, Balzac met l'erreur d'orthographe dans un de ses dialogues, et pour ne pas le désavouer, Littré suit. Si j'insiste tellement sur ce truc, c'est que je me suis maintes fois bagarrée avec les correctrices de mes propres livres qui "rectifiaient" mon orthographe quand je citais Perrault. Dans le premier tome des Grands moments de solitude, j'en parle. D'ailleurs, il suffit de relire "La psychanalyse des contes de fées" : Buni Bettelheim cite la pantoufle de verre comme symbole traditionnel de la virginité. Tu imagines si c'était de la fourrure ? Pourquoi pas une touffe de poils pubiens ? Bonjour le bon goût !http://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_sur_la_composition_des_pantoufles_de_Cendrillon
Buni Bettelheim, hein ? C'est le petit surnom que tu lui donnais dans l'alcôve ? hu hu hu kr krkrkr !
10YunetteDimanche 12 Octobre 2014 à 14:57C'est mignon, Buni, ça fait lapin, tout ça... ^^
Et les vantoufles, c'est du vent, c'est ça ? ^^
Ajouter un commentaire
C'était du vrai verre dans l'original ? Oh !