• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 122

     

    Jim Hawkins

       « L’île au trésor », paru en BD dans le Spirou d’après guerre, me fascinait. Bien que les tenants et les aboutissants de l’histoire m’échappent totalement, j’étais raide-dingue de Jim Hawkins, petit héros blond et déluré auquel je m’identifiais avec passion. Donc, seule ou avec mes copains du Thier-à-Liège, je jouais à Jim. J’étais Jim, combattant les méchants pirates avec une branche d’arbre que je passais à ma ceinture, en guise de sabre d’abordage.

             Mais, dans mon esprit d’enfant, Jim devait forcément être blessé. Et pas n’importe où : à la tête. Ne me demandez pas pourquoi, je l’ignore. Sans doute une vignette représentant la chose m’avait-elle particulièrement frappée. Toujours est-il qu’un jour où Tantine, ayant des courses à faire, m’avait laissée sous la (vague) surveillance de mes grands cousins, nous décidons, ma copine Josiane et moi, de jouer à Jim. Armées de nos branches fraîchement coupées, on commence à se battre en duel, et, selon l’immuable déroulement du scénario, elle me blesse. C’est là que — grande première ! — par souci de crédibilité (et profitant de l’absence de ma tante), nous montons dans sa salle de bains chercher des pansements et du mercurochrome. Josiane m’entortille le front de gaze blanche qu’elle badigeonne soigneusement de rouge, puis nous reprenons notre jeu.

             Sur ces entrefaites, Tantine rentre. Voit mon déguisement de loin. Et manque de se trouver mal.

             Le temps que je rapplique pour lui expliquer, elle a déjà enguirlandé l’un de mes cousins. Résultat : lorsque la vérité éclate, sa colère se retourne contre moi, mon cousin en rajoute une couche, Josiane est priée de rentrer chez elle et on m’envoie dans ma chambre sans souper.

             Eh bien, vous me croirez si vous voulez, j’ai adoré ça. En butte à l’injustice, à la répression, et « mise à fond de calle » par un capitaine tyrannique, j’étais enfin vraiment un Jim selon mon cœur !


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 18 Avril 2012 à 08:58
    benoît barvin
    Jolie et imparable réaction enfantine. Ou l'on croit aux rêves et on les vit, ou alors on tire l'échelle et on va flatter les adultes pour devenir, plus tard, comme eux. Vieux et ennuyeux... Moi aussi - comme beaucoup d'autres - "L'île au Trésor" me plaisait. J'étais en Afrique et j'écoutais l'histoire, via un disque 33 tours. Les voix, surtout, me terrifiaient, ainsi que les bruitages: la voix nappée de rhum de Billy Bones, foudroyé par une "attaque d'apoplexie"... L'apparition de Long John Silver avec sa jambe de bois ("clip... Clop... Clip.." au secours!)...Le docteur Livesey et le châtelain Trelawney, au timbre noble et rassurant... Et enfin l'apparition de Ben Gunn, à demi sauvage, dans cette île où le malheureux Jim Hawkins (moi, évidemment, Jim c'est un gar-çon!) est aux buttes avec la Nature cruelle... Tout cela écouté, donc, en Afrique, au milieu de nos amis Noirs qui, après leur indépendance (j'habitais la Guinée)nous battaient froid... Un vrai régal d'enfant, je te comprends...
    2
    Mercredi 18 Avril 2012 à 18:18
    Castor tillon
    Inutile de demander qui a encore fichu le bronx.
    Ceci dit, il n'y avait pas de quoi shooter un foie. Passé les premières palpitations, j'aurais rigolé de bon coeur, et peut-être même proposé une castagne au mercurochrome.
    (C'est vrai, j'oublie toujours qu'on est en Belgique dans les fifties).
    3
    Mercredi 18 Avril 2012 à 18:21
    Castor tillon
    Fouetter un chat, pardon.
    4
    Jeudi 19 Avril 2012 à 17:05
    Tororo
    Je me demande à quoi pourrait ressembler l'enfance dans laquelle on n'aurait pas éprouvé, au moins une fois, ce sentiment d'être victime d'une injustice bien criante. Ca produirait un adulte pas très doué pour l'empathie, j'en ai peur.
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Ah dis donc, le temps de lire ton commentaire, je m'y suis crue ! Moi, j'avais l'image, toi, le son, nous eussions été complémentaire, finalement... Marrant, hein, comme tous les enfants se ressemblent. Tu te rends compte : on aurait pu jouer ensemble (si des milliers de kilomètres ne nous avaient pas séparés). Tu aurais été Jim (puisque tu es un gar-çon) et moi la piratesse des Caraïbes !
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    6
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    Odomar
    Voilà qui renforce mon diagnostic sur ton masochisme latent...
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    @ Castor : chouetter un fat est sympa aussi — quoique moins conventionnel.
    @ Odomar : Oh, ça, c'est facile ! En plus, je t'ai tendu la perche (pour me fouetter), je trouve !
    8
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Je sui bien de cet avis !
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