• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 121

    L’herbe bleue

      Et tiens, à propos de niaiserie... Ça devait être en 72 ou 73, par là. À cette époque, la Convention de la Bande dessinée avait lieu à la salle de la Mutualité, à Maubert (la Mutu, comme on disait). Nous nous y étions rendus, Alex et moi, avec tout l'enthousiasme et la candeur qui nous caractérisaient alors. Nouvellement débarqués du Liban, nous étions éblouis par l'univers mythique de la B.D. Quant à ses vedettes, les Gotlib, Bretecher, Mandryka, Forest et autre Moebius, c'était carrément de l'idolâtrie. Je revois Frémion en salopette rayée, barbu et chevelu comme un Christ, faisant faire ses premiers pas à sa fifille ; Shlingo, encore inconnu mais bédéphile à mort, claudiquant derrière Fred pour le photographier, et clamant haut et fort : « Tout sur la liaison Fred-Carali dans le prochain Havane Primesautier » ! (son fanzine de l’époque).

             Un moment, j’aperçois le grand T. et Anne D., sa compagne du moment, rôdant comme des zombis dans la foule, sans voir ni entendre personne.

             — Regarde, on dirait des anges, glissai-je à mon mari. Ils doivent être en pleine inspiration !

             Andouille : c'était le teuch !

             M. (le même que dans « Crotte de chien », oui, exactement) traînait dans un coin avec quelques potes. On s'approche de lui, on le salue et il nous dit, l'œil curieusement rétréci :

             — Putain, je déteste ce genre d'endroit ! Il m'a fallu deux joints pour pouvoir venir...

              Et moi, ne comprenant pas de quoi il s’agissait :

             — Des joints de culasse ?

             Fallait-il qu'il soit défoncé pour éclater de rire à ce qui devait lui apparaître comme une vanne minable — alors que c'était juste l'expression d'une vertigineuse ignorance !

             Au Liban, pourtant grand producteur de ce genre de gâterie, nous n’en avions même jamais entendu parler. C’était pour les touristes, ça, pas pour les locaux !

             Bon, on s’est bien rattrapés depuis, rassurez-vous. En tout cas, moi.

         
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  • Commentaires

    1
    Mardi 17 Avril 2012 à 08:07
    benoît barvin
    Remarque, ta réflexion n'était pas stupide... Tu savais, au moins, que ces joints - de culasse - existaient, preuve que la mécanique automobile ne t'était pas inconnue! Ceci dit, j'ai bien ri car, question vanne, elle était quand même pas mal du tout!
    2
    Mardi 17 Avril 2012 à 08:16
    benoît barvin
    Tu aurais eu tort... Ce qui se dégage, de tous tes petits textes, le long de ces agréables semaines, c'est une personnalité naïve, généreuse, aimante, trois raisons pour lesquelles tu as de fidèles lectrices et lecteurs... ce serait dommage de les priver de tes tendresses envers la vie, fût-elle quotidienne. Ça contrebalance agréablement les perfidies journalières de nos meilleurs ennemis les politiques, journalistes, spécialistes, financiers et j'en oublie...
    3
    Mardi 17 Avril 2012 à 18:03
    Castor tillon
    Si on ne sait pas que tu ignores ce qu'est un joint, elle est marrante, ta vanne, surtout si M. avait une bagnole pourrie. Je comprends que ça l'ait fait rire.
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Arrête ! J'ai failli pas la passer, cette solitude, tellement j'avais honte de ma propre vanne.
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    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    OoooOOoOoOh ! Chuis toute émue !
    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:47
    gudule
    Non mais ho, si j'avais su ce qu'était un joint, j'aurais jamais osé dire un truc aussi nul !
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