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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 120
Je ne suis pas celle que vous croyez !
Encore une histoire de parano ? Allez, ne boudons pas notre plaisir. En 1971, Alex bossait dans une petite agence de publicité dont le directeur, un Belge nommé Jo Vandamme, avait tout du séduisant Viking. Emma, sa secrétaire, était une adorable grosse blonde toujours vêtue de longues robes Laura Ashley (le Bilitis de David Hamilton ayant remis l'imprimé liberty et les chapeaux de paille au goût du jour).
Un soir, en rentrant du travail, mon mari m'annonce :
— Nous sommes invités à dîner chez une de mes collègues de boulot.
Moi, ravie : j'étais mère au foyer et ne connaissais personne, dans ce fichu Paris où nous n'étions que depuis quelques mois — à part ma voisine de palier à laquelle, illico, je demande de jeter un coup d'œil sur les gosses en mon absence. Je me fais toute belle : la petite robe noire à col blanc, achetée pour mon mariage dans une friperie de Beyrouth (et, est-il besoin de le préciser, monstrueusement démodée), des mini-talons, et hop ! en route.
Nous débarquons dans un appartement qui m'ahurit littéralement. Pas de meubles, à part des coussins, des table basses, une gigantesque bibliothèque, et des plantes vertes à foison. Sur les murs des fresques érotico-bucoliques — nymphes grassouillettes et satyres au membre hypertrophié, copulant à fesses-que-veux-tu —, le tout éclairé par d'immenses candélabres, au son d'une musique religieuse du XIIIème siècle.
Et tout cela n’est rien à côté de Didier, le maître des lieux (et l’auteur des fresques) ! Imaginez un Gainsbourg chauve, dont les rares cheveux forment comme des petites cornes, vêtu d'une grande robe rouge de gourou médiéval...
Bref, on s'installe dans les coussins, on trinque, Jo Vandamme nous rejoint et la soirée se poursuit à cinq. Bien que je ne comprenne pas tout, je sens, à certains propos échangés, à des regards, des private joke, des rires, qu'une complicité de toute évidence libidineuse unit Jo à nos hôtes. Une ambiance puissamment sensuelle s'instaure, d'autant que nous mangeons allongés sur la moquette, comme les convives d’une orgie romaine.
Soudain sans crier gare, Alex s'endort.
« Ils l'ont drogué ! » me dis-je, épouvantée.
Me voilà à la merci de ces trois débauchés qui, depuis des heures, j'en suis certaine à présent, salivent en me convoitant, moi, l’oie blanche de service, la petite immigrée pas encore déniaisée.
Une peur panique m'étreint lorsqu’Emma propose, le plus naturellement du monde :
— Si nous passions dans la pièce à côté, pour laisser ce pauvre garçon se reposer en paix ?
Or, la pièce en question, c'est la chambre à coucher...
Je n'ose pas protester et on se retrouve sur le lit : moi, toute crispée et prête à m'enfuir au moindre geste suspect, eux, fabuleusement décontractés.
Il ne s'est rien passé entre nous, je le jure. Rien de rien. Pas même un geste ambigü. Par après, Emma, Didier et Jo sont d'ailleurs devenus d'excellents amis et, quoique de mœurs très libres, n'ont jamais cherché à nous "embrigader". Alex s'est réveillé une demi-heure plus tard en s'excusant : il avait eu un petit coup de barre dû, sans doute, à l'alcool (il n'avait pas l'habitude de boire). Et je n'ai jamais parlé de ma parano à personne, pas même à lui. La niaiserie a ses limites, tout de même !
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Commentaires
1benoît barvinLundi 16 Avril 2012 à 07:59Répondre3guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:474guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:475OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:47
Ceci étant, ce que tu dis des années 70 n'est pas faux.6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:47
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