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grands moments de solitude 109 (tome 2)
Comme un garçon
— Maman, je peux aller au cinéma avec Francette ?
—Sans un adulte pour vous accompagner ? Pas question !
— Mais mes frères ont le droit, eux !
— Ce n’est pas pareil : ce sont des garçons.
Grand classique du genre, m’objecterez-vous. Le problème, c’est que cet argument, ma mère me le ressortait à tout propos. Il lui servait d’alibi pour restreindre sans scrupules le peu de liberté que j’essayais de conquérir. Sortir le soir ? Ah non non non (mais mes frère ? … Eux, ce sont des garçons.) Organiser une ‘tite surprise-party à la maison ? Ah non, non, non (mais mes frères ? etc.) Aller voir une exposition un concert, une pièce de théâtre ? Ah non, non, non. En gros, à part faire la vaisselle, éplucher les patates et jouer à la poupée, tout m’était interdit sous le fallacieux prétexte que je portais une robe et des nattes dans le dos. Si bien qu’un jour…
— Tiens, coupe ! dis-je à Francette, en lui tendant une paire de ciseaux.
Elle ouvrit des yeux ronds.— Tout ?
— À ras.
Elle commença par refuser, mais j’insistai tellement qu’à la longue, elle céda, et snip-snap, les doubles lames entrèrent en danse. J’en sortis aussi déplumée qu’une pelle à tarte (selon l’expression imagée de ma mère). Ça tombait plutôt bien : mon modèle du moment était Gelsomina* et, hormis le fait qu’elle était blonde et moi brunette, nos coiffures se ressemblaient mèche pour mèche.
Tandis que, toute contente, je contemplais dans la glace ma chevelure hirsute, ma cousine déballa la « surprise » qu’elle m’avait apportée : un pantalon trop petit pour elle, que je passai aussitôt. Wahou, la métamorphose ! J’avais l’air presque aussi virile que mes deux frangins.
À la vue de mon nouveau look, mes parents faillirent tourner de l’œil. Ah, ça, pour hurler, ça hurla, surtout maman !
— Non mais, regarde-moi ce garçon manqué, disait-elle à mon père. Quelle allure ! Elle qui était si jolie en petite écolière…
Et moi, du tac au tac :
— Puisque j’ai l’air d’un garçon, je peux aller au cinoche ?
Hélas, ma mère avait réponse à tout :
— Tu ne bougeras pas d’ici tant que tes cheveux n’auront pas repoussé, trancha-t-elle. Avec ta tête de zazou, j’aurais trop honte de toi devant les voisins.
Caramba ! Encore raté !
* Héroïne du film de Fellini « La Strada »
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Commentaires
tororo ? Tu me vouvoie, toi, maint'nant ? et vivement que ton ordi remarche, parce que tes com's me manquent !
Je vous vouvoie, parce que j'avais peur que depuis le temps tu m'aies oublié!
(zut, y'a pas de smiley pour dire xoxo!)
5Pierre-Yves DelarueLundi 29 Septembre 2014 à 10:47Pareil pour nous, ma Gudule, en ce moment on se manifeste pas beaucoup, mais nous te lisons tous les jours, et même au lit !
Assignée à résidence pour cause de chevelure trop courte. Là, je trouve que maman coupe les cheveux en quatre.
@ Pierre yves : moi aussi je pense à vous, potferdom !
@ castor : heureusement que maman ne m'a pas vue après mes chimios ! elle m'aurait carrément bouclée !
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Il y a des jeux auxquels on ne gagne jamais. Quand même, elle a glissé au détour d'une phrase qu'elle vous trouvait jolie. Bon, il a fallu le prétexte d'une engueulade, mais quand même.
(Rien à voir: je ne suis pas très actif sur le net en ce moment, et j'en suis bien désolé, la faute à mon ordi qui me fait des farces. Quand j'aurai pu le faire réparer, je serai là plus souvent!)