• grands moments de solitude 108 (tome 2)

                                                                            Autodafé

              

         La femme de mon frère aîné, qui n’avait même jamais ouvert  un livre, détestait d’emblée tout ce que j’écrivais. Malgré cela, lorsque parut  Et Rose elle a vécu, je lui en envoyai un exemplaire, qu’elle fit disparaître aussitôt afin qu’il ne « contamine » pas sa descendance ( elle craignait mon influence, au point d’interdire à ses trois enfants de fréquenter les miens.)

             Personne ne le lut donc, durant  plusieurs années — sauf elle, en diagonale, histoire de mesurer l’ampleur du péril. Ce survol me valut d’ailleurs une diatribe qui me laissa sans voix, et d’où il ressortait que ,mes cochoncetés salissaient notre nom (!) La honte qui retombait sur toute la famille l’affectait donc personnellement et légitimait sa colère.

             Puis, les années passant, les six cousins se rapprochèrent les uns des autres, de sorte qu’à l’adolescence, ils se fréquentaient assidûment. D’autant qu’ils présentaient des aptitudes communes : Karine, dessinait, tout comme Mélanie, Olivier et Marie-Dominique ne juraient que par le théâtre, et Frank partageait avec Fred l’amour  des vieilles voitures.

             Or, un jour, Frank, âgé d’une quinzaine d’années, avisa, dans ma bibliothèque, la tranche d’un livre.

             — Oh ! s’exclama-t-il, le bouquin défendu  ! Je l’avais oublié, çui-là !

             Et de m’expliquer qu’ayant relégué l’ouvrage dans un placard, sa mère le gardait soigneusement sous clé.

             — Et tu acceptes ça  ? m’étonnai-je. C’est de la dictature !

             Il haussa les épaules :

             ­ — Bof, tu la connais, hein ! Si je passais outre, je l’aurais sur le dos jusqu’à la saint-Glinglin. Ma curiosité ne va pas jusque là.

             Bien que sa réflexion ne fût pas très flatteuse, je pris le bouquin et le lui tendis.

             — Tu le veux ?

             Il remercia, le fourra dans sa poche et s’en fut.

             Trois jours plus tard, il me téléphonait.

             — J’ai terminé Et Rose elle a vécu, et, franchement, c’est pas terrible. Quelque part, je comprends la réaction de maman. Tous ces mots d’argot, ces termes orduriers… À croire que tu l’as fait exprès pour la choquer !

             Je poussai un soupir de lassitude. Mal barré, le petit neveu. Les chiens n’engendrent pas des chats, comme on dit.

     

     

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  • Commentaires

    1
    Delphine-Laure
    Samedi 27 Septembre 2014 à 20:54

    Han... Il faut absolument que je trouve et lise ce livre ! Et ensuite que je le fasse lire à mes enfants. Je vous raconterai !

    2
    Samedi 27 Septembre 2014 à 21:59

    Si tu parles de Et Rose elle a vécu, tu peux le trouver chez Amazon : http://www.amazon.fr/Et-Rose-elle-v%C3%A9cu-Gudule/dp/2207236889 pour 10, 65 €.

    Ou à la FNAC, mais il est d'occasion, et plus cher !

    3
    Samedi 27 Septembre 2014 à 23:04

    Mieux vaut une tartine de sel-beurre qu'une salade de belle-sœur (proverbe castoridien).

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    4
    Samedi 27 Septembre 2014 à 23:06

    remarque, si la belle-soeur est découpée en tout petits morceaux...

     

    5
    Vendredi 6 Février 2015 à 17:52

    C'est la même charmante qui as refusé de faire entrer tes enfants pendant "son" spectacle, non ?

    Si non, postule pour le poste de Cendrillon avec deux belles sœurs pareilles !

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