• grands moments de solitude 104 (tome 2)

     

                           C'est vrai qu'ils sont charmants, tous ces petits villa-a-ages

     

             Tous ces bourgs, ces hameaux,

             Ces lieux-dits, ces cités,

             Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs pla-a-ages,

             Ils n'ont qu'un seul point faible et c'est d'être habités…(Brassens)

     

             Chaque année, c’est le même cirque. L’hiver, tout le monde se plaint : le village est mort, morne, triste, vide ; on s’y ennuie à mourir. Vivement l’été qui ramène les vacanciers, remplit les terrasses des cafés, peuple les chemins de randonnée et anime les rues de cris et de rires ! Puis, au fur et à mesure que les semaines passent, la grogne s’installe : il y a trop de bruit, trop d’agitation, trop d’enfants, de voitures, d’étrangers ; on n’est plus chez soi. Vivement l’hiver qu’on se retrouve enfin entre nous !

             Et le cycle infernal recommence…

             Cette année-là, pour des raisons aussi aléatoires qu’inexplicables, la tension était à son comble. Des bagarres de chiens ne cessaient d’éclater, suivies de leur corollaire : les engueulades des maîtres. Marcel, notre Nougaro local, qui répétait dans son jardin au son de l’orgue de Barbarie, se fit agresser par une voisine dépressive. L’allumé de service hurla des mantras pour couvrir leur dispute, perturbant un groupe de touristes qui s’enfuirent en courant, les mains sur les oreilles. Les vieux qui jouaient aux cartes sur la place de l’église, houspillèrent les gamins qui roulaient à vélo et confisquèrent le ballon de deux footballeurs en herbe. L’épicerie, pourtant fort accueillante, fut le théâtre de psychodrames d’une rare violence.

             «  Que se passe-t-il ? me demandais-je, témoin navré de ces débordements. D’où provient ce regain d’asociabilité ? Est-ce l’actualité qui leur monte à la tête ? La coupe du monde? Le tour de France ? A moins que… Des déferlements d’ondes cosmiques, peut-être ? Comme dans les bouquins de SF… »

             La réponse vint d’en-haut. Un tract municipal incriminant les pigeons dont les fientes bouchaient les gouttières, souillaient les façades et rongeaient les fils électriques, fut distribué dans les boîtes aux lettres. C’étaient ces « rats ailés », les responsables de la névrose ambiante. Dès lors, on fit appel à une société de chasse pour éliminer le fléau, ce qui, non seulement mit le village sens dessus dessous, mais donna à ses habitants une nouvelle raison de s’écharper : les défenseurs des animaux contre les partisans de la solution ultime. S’ensuivirent des échanges d’insultes, des menaces verbales, des lettres anonymes, des pétitions, des dénonciations crapuleuses, des règlements de compte publics, prélude à une période d’accalmie relative que tout le monde apprécia, fût-ce au prix d’une trentaine de petites vies sacrifiées.

             Décidément, l’humain ne changera jamais. Si vis pacem para bellum — même quand ce sont les êtres les plus inoffensifs qui en font les frais…

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 7 Septembre 2015 à 12:27

    Des pigeons en guise de colombes pour ramener la paix... C'est vrai que la différence entre eux est minime !

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    2
    Lundi 7 Septembre 2015 à 21:16

    Vent de folie à Clochemerle. C'est pas les pigeons qu'il faut mettre hors d'état de nuire.

    3
    Mardi 8 Septembre 2015 à 07:05
    Tororo

    Ah! Le crottin fait par leurs pigeons (même en bois) fait envie à tout le monde.

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