• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 10

    La voyeuse

       Revenons à mon enfance, si vous le voulez bien. Outre Ginette et Jacques, la petite bande du Thier-à-Liège comprenait également Louis, le chef incontesté, la blonde Josiane au visage angélique, son cousin Jean-Aimé, et le petit José. Or, José, qui était plus jeune que moi — il n'avait pas plus de quatre ans, Josiane et moi, six, Ginette, huit, et les trois aînés, dix —, trop occupé à jouer pour rentrer chez lui quand le besoin s’en faisait sentir, pissait le long des murs. Ce qui m'intéressait bigrement car, ma famille étant très puritaine, c'était pour moi une occasion unique de découvrir l'anatomie masculine. Je ne manquais donc aucune occasion de m’instruire... jusqu'au jour où Louis me suprit en pleine observation, et s'en offusqua. Il réunit donc son état-major, et ils décidèrent d’un commun accord de me punir — ou, plus exactement, de me dénoncer à Tantine. Ce qui, à mes yeux, était mille fois pire.

    On ne badinait pas avec ces choses, en ce temps-là. Tout ce qui se situait en-dessous de la ceinture était tabou, péché, et voué d’office aux feux de l'Enfer. Tantine avait beau être la douceur incarnée, face aux œuvres du démon, je n’osais même pas imaginer sa réaction. Crierait-elle ? Me punirait-elle ? Me retournerait-elle une claque ? Ou pire encore ? Car les tourments seraient à la hauteur de la faute, j’en étais convaincue — c’est-à-dire monstrueux.

    Je revois, aussi clairement que si c'était hier, les trois "grands" m'empoigner et me traîner de force vers la maison de ma tante. Et mon angoisse, mon angoisse ! Une sorte de vertige horrible au fond du ventre et dans la tête. Et le désir fou de ne plus être là, de m'évanouir, de mourir sur place ou de m'envoler...

    Je crois avoir éprouvé, ce jour-là (toute proportion gardée, bien sûr ; mais n’oublions pas que le ressenti des enfants est inversément proportionnel à leur taille) les affres du résistant chopé par les sbires de la Gestapo... 

             Après, c'est le trou noir. Malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à me rappeler ce qui s'est passé ensuite. M'ont-ils réellement "livrée" à Tantine ? Comment a-t-elle réagi ? Mystère. J'ai dû zapper... À moins que je ne me sois réellement évanouie ?

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 28 Décembre 2011 à 14:42
    Castor tillon
    Ben c'est pas aujourd'hui que je vais me pisser dessus ^^
    Les garçons avaient déjà le syndrome du grand frère, à l'époque ? Rien ne change, décidément.
    Et ça doit être une bénédiction que tu aies oublié la suite.
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