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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 1
Crotte de chien
Au début des années soixante-dix, mon mari de l’époque — appelons-le Alex — s’était lancé à corps perdu dans la BD. Son idole du moment était le dessinateur M., alors au faîte de sa gloire. Outre un indéniable talent qui faisait de lui l’une des vedettes du neuvième art, M. dirigeait un magazine dans lequel Alex rêvait d’être publié. Les bouclages ayant lieu chez lui, M., après moult sollicitations, avait autorisé ce débutant, frais émoulu de son Liban natal, à y assister.
Nous étions jeunes, en ce temps-là. Amoureux — pour ne pas dire fusionnels — et peu au courant des usages en vigueur dans les milieux artistiques parisiens. Avec une candeur qui, aujourd’hui, me laisse pantoise, nous nous pointons tous deux au rendez-vous. Pas une seconde, l'idée ne nous avait effleurés que ma présence pouvait déranger !
Tout excités, nous sonnons à la porte d’un magnifique appartement Hausmann. M. vient ouvrir, fait entrer Alex, puis prend conscience de ma présence.
— Qu'est-ce que tu fais là ? interroge-t-il, comme s’il s’adressait à une crotte de chien, posée par inadvertance sur son paillasson.
— Ben... je viens à la réunion.
— Tu n'étais pas convoquée !
Suffoquée par la douche glacée, je tente de plaisanter:
— Oh, tu sais, Alex et moi, on est du genre chaussettes : on marche toujours par paire.
Durant quelques instants, nous nous défions du regard, puis il pousse un profond soupir.
— Puisque tu es là, entre... Mais la prochaine fois, tu resteras chez toi : c’est une séance de travail, pas une réunion Tupperware !
Fallait-il que je sois gourde pour ne pas lui en retourner une ! Au lieu de ça, j'ai fait profil bas, et j'ai passé le restant de l'après-midi à ravaler mon humiliation. À tel point que vingt ans plus tard, cet épisode s'est retrouvé dans mon livre Du moment que ce n’est pas sexuel, dont il est l'une des scènes-clé. Dès sa parution, je me suis fait un plaisir de l'envoyer à M., perdu de vue depuis de nombreusees années, avec cette dédicace : Devine qui m'a servi de modèle pour le personnage de Boris ? Il ne m'a jamais répondu.
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Commentaires
Sinon, ces trois-là étaient mes dessinateurs chéris à l'époque, et j'ai gardé très longtemps les trois premières parutions.4GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:515guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:51
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Mais dans ce cas précis, la honte est plutôt sur le malappris.